Saison 2023/2024
Racing Club de Strasbourg

Légende : René Deutschmann

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Par filipe
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Connu pour sa fidélité exemplaire au maillot du Racing, Deutschmann est l'auteur d'une carrière qui est cependant bien loin de se résumer à cela.

La plupart des supporters ayant suivi le Racing à la fin des années 70 peuvent évoquer sans grande difficulté les qualités techniques d'un Francis Piasecki, la force de frappe d'un Albert Gemmrich ou les envolées décisives d'un Dominique Dropsy. Ils sont également capables de décrire spontanément et dans le détail quelques uns des grands moments offerts par ces joueurs, ou par les quelques autres de cette même époque qui ont pareillement imprégné leur mémoire.
Et c'est justement à ce moment où leur esprit vagabonde quelques instants dans ce passé immortalisé, qu'un dernier nom, jusqu'alors négligé, leur paraîtra digne d'être cité : celui de René Deutschmann.

Il est vrai que cet Alsacien né à Strasbourg au début des années 1950 n'était pas du genre à fanfaronner. En s'accommodant d'une semi notoriété, il laissa le plus souvent le soin à quelques uns de ces coéquipiers de répondre aux sollicitations de la foule et des médias.
Pourtant, lui qui enfila pour la première fois le maillot bleu à l'âge de 10 ans pour le rendre à plus de 32 ans, reste encore aujourd'hui l'un des symboles les plus forts de ce qui n'existe pratiquement plus désormais : l'attachement au maillot et à la défense de ses couleurs.
Car pendant toutes ces années de présence, l'histoire du Racing, c'est l'histoire de Deutschmann.

A la fin des années 60, alors qu'il faisait ses premiers pas en tant que joueur professionnel, le club était en train de vivre une de ses plus grandes crises : la dette était alors immense, les dirigeants s'entredéchiraient et l'équipe n'avait plus aucune crédibilité. Les objectifs sportifs étaient des plus flous et c'est finalement l'arrivée d'un nouveau président – Alfred Wenger – qui permit de mettre un peu d'ordre dans la maison à partir de 1968.
Le jeune René débuta donc dans ce contexte difficile, précisément au cours de la saison 1969-1970 : sa polyvalence lui permit d'évoluer à différents postes du secteur défensif avec réussite.

Au cours des années 70, il vécut de près toutes les difficultés du club, ses quelques bons et ses nombreux mauvais moments : des deux descentes en deuxième division aux remontées immédiates, des chamailleries entre dirigeants et entraîneurs à la quasi faillite de 1976, en passant par la grève de 1973 où les joueurs de l'effectif professionnel strasbourgeois refusèrent de jouer un match à Marseille.
Suivant ainsi le mouvement national des joueurs qui réclamaient un nouveau statut professionnel, cette grève entraîna la démission du colérique président Wenger qui bouda le Racing de longues années : « je n'irai pas au stade de la Meinau tant qu'il y aura dans l'équipe un seul gréviste. Il ne reste que Deutschmann ? C'est vrai, il n'était pas titulaire à l'époque... Je l'aimais bien celui-là ! »
Avant de se reprendre : « Je m'en fous, il était dans le car avec les autres ! »
La fidélité de Deutschmann à son club aura donc fait une victime collatérale : Alfred Wenger le boudeur ne verra rien du titre de champion de France du Racing.

Devenant un titulaire indiscutable au milieu des années 70, la carrière de Deutschmann prit une nouvelle dimension avec l'arrivée comme entraîneur de celui qui fut son coéquipier quelques années plus tôt sous ce même maillot bleu, Gilbert Gress.
C'est ce dernier qui décida de stabiliser René Deutschmann au poste de milieu défensif et qui en fit très rapidement un de ses hommes de confiance. Au milieu de terrain, Deutschmann faisait la paire avec Francis Piasecki : à ce dernier la technique et le jeu offensif, à René Deutschmann la puissance et l'abnégation défensive.

Chargé d'annihiler les forces de l'adversaire, Deutschmann, sous ses sourcils touffus, savait parfaitement décrypter de son oeil noir le jeu du meneur adverse.
Rapidement, la ruse ainsi que les larges épaules et les jambes puissantes de ce joueur râblé (1,71m, 68 kg) mettaient au supplice l'adversaire direct, qui, dégoûté par cette présence constante, en était le plus souvent réduit à se demander à quoi ressemblerait ce René Deutschmann sans cette moustache sombre qu'il n'a que trop vu tout au long du match.
Tel une sangsue, Deutschmann s'accrochait aux basques du stratège de l'équipe d'en face et s'attachait à remplir cette tâche jugée souvent ingrate, laissant aux autres la charge de porter le coup de grâce dans la défense adverse et de récolter les applaudissements de la foule.
Un rôle tellement ingrat qu'il lui arriva même d'être sifflé par un public qui trouvait en lui la victime expiatoire parfaite des soirs de déceptions. Une injustice dont ne tenait pas rigueur le besogneux, qui, sans faire de vague, tentait toujours de tenir son rôle avec abnégation.

Il est vrai que la solidarité et la détermination de l'équipe de la fin des années 70 justifiait bien des sacrifices : « avec Gress, il n'y avait pas de vedettes dans l'équipe [...] nous étions une équipe très soudée, toujours prête aux rigolades.
Par exemple l'histoire des tracteurs. Monsieur Koenig, un dirigeant en vendait. Tous les ans, il était présent à la Foire Européenne et exigeait que l'équipe soit prise en photo devant les tracteurs, ce qui bien sûr n'était pas dans notre contrat. Alors une année, pour protester gentiment, nous lui avons dégonflé tous les pneus des tracteurs. »

Un temps heureux qui prit fin brutalement pour laisser la place à une nouvelle longue crise. Deutschmann traversa ce nouvel accès de folie du club et continua à tenir sa place au mieux jusqu'à ce qu'une grave blessure mette en péril son parcours professionnel (rupture des ligaments croisés).
En quittant le Racing pour rejoindre Schiltigheim et le monde amateur (avant de s'engager dans la restauration en 1990), il laissait derrière lui 352 matchs disputés sous le maillot du Racing, un titre de champion de D2, un titre de champion de France et un quart de finale de coupe des champions, soit l'un des plus beaux palmarès de l'histoire du club.
Il a également vu défiler pas moins de 13 entraîneurs et 4 présidents différents en 15 ans de professionnalisme.

Définitivement attaché à l'histoire du Racing, René Deutschmann était donc également bien plus que cela. Il fut d'abord un des plus valeureux footballeurs ayant porté le maillot bleu et l'un de ses plus dignes représentants.
Et peu importe finalement si chez les supporteurs strasbourgeois, fussent-ils les plus fidèles, son nom ne viendra jamais spontanément à l'esprit.

filipe

Commentaires (2)

Flux RSS 2 messages · Premier message par Ritter · Dernier message par ninion

  • Bravo Réné ! Cette article te décrit parfaitement, et tu avait la même ligne de conduite "rigoureuse" dans notre vie familiale :)
  • Oui, un joueur précieux et fidèle, à la mentalité exemplaire, à l'instar de Roland Wagner. Platini savait qu'avec René, il avait peu de chances de s'exprimer contre le Racing... et c'est ce qui s'est passé! Après sa carrière de footballeur, j'ai eu la chance de retrouver plusieurs fois René à la "Fondue à gogo" où j'ai à chaque fois apprécié son accueil particulièrement chaleureux. J'espère que la cagnotte ouverte actuellement contribuera à son retour et son rétablissement. Courage René, nous sommes là!

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