Saison 2023/2024
Racing Club de Strasbourg

Moins sin-Istres qu'il n'y paraît ?

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Par kitl
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Fauvergue bat Agassa au cours du dernier RCS-Istres (06.11.2009) © racingstub.com

A première vue, Istres a tous les attributs du club chiant. Un maillot Baliston violet franchement laid et mal taillé au cours leur unique saison dans l’élite. Un stade « arlésienne », ayant tardé à venir et totalement démesuré. Une saison 2014/15 calamiteuse lui promettant un retour dans les tréfonds du CFA. Cela fait tout drôle de voir sombrer ce club qu’on a adoré détester.

La force du 13


On a attendu des années avant de les voir s’écrouler. Guettant les zones de relégation successives. A présent, on serait presque tentés de voir Istres renaître de ses cendres, comme on espère une remontée du Racing Paris, un comeback du Sporting Toulon ou la renaissance du FC Gueugnon.
Se pencher sur Istres, c’est constater la vigueur du foot dans les Bouches-du-Rhône sur les vingt dernières années. Arles la Camarguaise, Martigues la portuaire communiste, et donc Istres ont atteint la première division et on peut même remonter jusqu’en 1968, année où l’AS Aix-en-Provence connut une saison dans l’élite. C’est déjà plus pour ce département que pour l’Alsace entière, sachant qu’on exclut d’office l’OM, omnipotent voisin.

Istres est située sur les bords de l’étang de Berre. D’un bourg anonyme, dont le seul honneur est d’avoir été administré par Félix Gouin, Istres devint une cité-dortoir à partir des années 1960. Sa population triplera en trente ans, attirée par les activités portuaires de Fos-sur-Mer et le développement de la base aérienne d’Istres-Le Tube.

Istres et les communes environnantes, coincées entre l’étang de Berre et la Camargue avaient tous les airs d’un Far West vierge il y a cinquante ans. L’homme ne s’est pas gêné pour aménager l’espace à sa guise : lotissements uniformes, voies rapides, zones commerciales, infrastructures sportives démesurées. L'ancien stade Bernard-Bardin était encerclé par des pavillons, comme Bollaert jouxte des corons ou les usines Peugeot entourent Bonal. Des pavillons aux tuiles provençales, petits coins de paradis pour les sidérurgistes de Sacilor mutés à Fos-sur-Mer dans les années 70. Dix ans après le déménagement du FC Istres, ce terrain servira de cadre à un programme immobilier, a priori moins élitiste que celui de Highbury à Londres.

On joue donc au foot à Istres. Depuis 1920 et la création de la Section Sportive Istréenne, club de dimension modeste qui ne dépassa pas les divisions régionales pendant cinquante ans. En 1969, le club est même incorporé au sein du club omnisport mis sur pied par la commune, nommé sobrement Istres Sports. Istres attendra les années 1980 pour percer, sous l’impulsion du président Aviet et de l’entraîneur yougoslave Djordje Korac, qui n’a rien à voir avec l’ancienne coupe d’Europe de basket.


Bonnet blanc et blanc Bonnet


A l’été 1985, Istres intègre pour la première fois le monde pro, qu’il devrait donc sauf surprise quitter à la fin de la présente saison. Le régional de l’étape Franck Priou forme alors avec Didier Monczuk une redoutable doublette offensive. Istres Sports récupère également l’ancien défenseur central marseillais Jean-Yves Kerjean. Les premières saisons en D2 sont délicates : cette division accueille à l’époque des clubs à l’esprit amateur et quelques grands noms égarés à l’étage inférieur, comme l’Olympique Lyonnais, le Sporting club de Bastia ou le Stade de Reims. Istres dut d’ailleurs patienter jusqu’en 1988 pour obtenir le statut professionnel. Toutefois, l’équipe entraînée par l’ancien Strasbourgeois Gérard Coinçon, entre 1961 et 1964, sauve sa place sans discontinuer.

1990 marque un bouleversement à l’échelle du club, avec l’arrivée d’un nouvel homme fort, le président Bernard Bonnet (aucun lien avec le préfet pyromane). Homme de confiance du maire, il prend l’initiative de rebaptiser le club « Football Club Istres » et de réunir les municipalités voisines de Miramas et Fos-sur-Mer. On l’appelle à présent le FC Istres Ville nouvelle. Pour l’anecdote, Bonnet fut visé à partir de 1995 par plusieurs enquêtes judiciaires visant à mettre au jour les relations incestueuses entre ses entreprises et les municipalités du coin…

Retour au football. A l’intersaison 1990, l’effectif a fière allure : les Occitans Jean-Pierre Laverny et Frédéric Hantz côtoient le défenseur alsacien Eric Becker, le jeune latéral Jean-Marc Chanelet, le Marocain Mohamed Chaouch – passé par Saint-Étienne – et les expérimentés Antoine Martinez et Didier Philippe. Treizième en 1989, neuvième en 1990, Istres poursuit sa progression, sous la direction d’Alain Laurier, technicien recruté par le président Bonnet. En 1991, les Provençaux atteignent une belle cinquième place puis l’année suivante se payent le luxe de talonner le Racing Club de Strasbourg, s’offrant un accès aux barrages ! La défaite strasbourgeoise 4-2 sur les bords de l’étang de Berre lors de l’avant-dernière journée n’avait d’ailleurs pas manqué de provoquer des sueurs froides en Alsace…
Les « pré-barrages » allaient mettre aux prises les deuxièmes contre les troisièmes de groupe, avec avantage du terrain pour le deuxième. Tandis que le Racing disposait du Mans, Istres vendait chèrement sa peau à Angers, avant de succomber aux tirs au but. On n’était pas loin de tresser des couronnes à Laurier.


Cette saison est décidément la meilleure de la courte histoire du football istréen, puisque le club s’est offert le scalp de Lyon en 32ème de finale de Coupe de France. Le tirage au sort proposera un derby inédit face à l’OM (défaite 1-2), l’opportunité de masser plus de 10 000 spectateurs dans l’antique stade Bernard-Bardin – avec des tribunes provisoires, deux mois avant Furiani.

Hélas pour le FC Istres, le soufflé retombe très vite. Le club sauve sa peau sans briller en 1993 lors de la dernière saison de deuxième division à deux groupes. La saison 1993-94 est un calvaire, achevé à la vingt-deuxième et dernière position. Istres se retrouve en National 1, à fréquenter le FCSR Haguenau, l’AS Muret ou encore Toulon, dont la chute est bien plus abyssale. En 1997, le club passe le « cut » de la fusion des deux groupes et intègre le National.

Le retour en deuxième division sera pour la fin de saison 2000-2001, derrière les 16 réalisations du jeune, enfin déjà 28 ans, Nassim Akrour. Le pari est réussi pour le président Bertrand Benoît, chef d’entreprises multicarte, en poste depuis septembre 1995. Habitué à éponger un budget déficitaire fait de deux bouts de ficelle, le président n’a d’autre ambition que de « pérenniser » le club en D2.
Istres et le RCS partagent à nouveau le même championnat. On retrouve chez les Violets Gabriel Richter, le gardien Laurent Quiévreux, futur arbitre fédéral, le jeune Pascal Berenguer ou les attaquants Mouret, Tabet et Hebbar. Le Racing envoie également Cédric Kanté en prêt d’aguerrissement en Provence et dut s’employer en début de saison pour emporter la victoire à Bernard-Bardin (but d’Habib Beye à la 91ème). Le match retour, programmé en janvier, sera disputé début avril en ce temps où la pelouse de la Meinau souffrait le martyre chaque hiver. Victoire 2-0 du Racing, avec un nouveau but de Beye et un penalty de Bertin dans les arrêts de jeu…


Un bien pour un mal


L’objectif d’Istres, le maintien, est atteint par deux fois. Le président Benoît choisit alors d’engager un jeune entraîneur, le Bosniaque Mecha Bazdarevic, dont l’expérience sur le banc se limite à diverses fonctions subalternes occupées à Sochaux. Le club convainc Xavier Gravelaine de ne pas changer de club à l’intersaison, lui qui était arrivé en février. L’ossature du groupe reste la même, avec quelques rescapés du National (Brahim Thiam, Savry, Kehiha, Dumolin, Maurel) et les anciens strasbourgeois Laurent Weber et Jacques Rémy. Côté renforts, on note la présence d’un solide milieu récupérateur déniché en Suisse. La première partie de saison de ce Zimbabwéen nommé Harlington Shereni impressionna tellement que Guingamp le recruta afin de sauver les meubles en D1.

En effet, Istres surprend à se mêler à la lutte pour le podium. Le FC Istres s’arc-boute sur une défense solide – 26 buts concédés en 38 matchs – tandis que Gravelaine trouve une seconde jeunesse à 35 ans. Très longtemps leaders, les Provençaux calent un peu en fin de parcours mais finiront par accompagner Caen, ex-club de Gravelaine et Saint-Etienne, qui n’est pas un ex-club de Gravelaine…

C’est le branle-bas de combat à Istres. La montée prend tout le monde de court : le club ne dispose pas d’une enceinte adaptée à la première division. Un stade est mis en chantier à Fos-sur-Mer, maintes fois reportée, sa livraison n’aura finalement lieu qu’en avril 2005 ! Dans l’intervalle, Istres sera contraint de délocaliser ses matchs à domicile au stade des Costières de Nîmes.

L’effectif héroïque est également bouleversé. Exit Jacques Rémy, qui a modérément envie de regoûter à la D1, tandis que Xavier Gravelaine, pourtant capitaine de l’équipe et élu meilleur joueur de D2 par ses pairs, succombe aux sirènes du FC Sion. Istres recrute expérimenté : le pas encore Monténégrin Nisa Saveljic, Florian Maurice (qui venait seulement de fêter ses 30 ans), Rafik Saïfi, les Sénégalais Diagne-Faye et Moussa N’Diaye… Un alliage hétéroclite où figurent également Franck Chaussidière et Stéphane, pardon Steven Pelé.

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Niša Saveljić et Florian Maurice, deux mythes à la Meinau

Voyant avec ce promotion l’opportunité de développer son club, Bertrand Benoît fait adopter une dénomination plus vendeuse : le Football Club Istres Ouest Provence est né. On imagine que cette nouvelle identité doit beaucoup au Syndicat d’agglomération nouvelle, intercommunalité à laquelle appartiennent les communes d’Istres, Miramas et Fos-sur-Mer, et qui porte le nom d’Ouest Provence depuis le début des années 2000…

La saison 2004-05 en Ligue 1 sera désastreuse. Dès la 11ème journée, le FC Istres se retrouve à la place que tout le monde lui attribuait, la vingtième. Il la conservera jusqu’au bout. Le Racing fut très loin de briller face au cancre : deux matchs nuls 1-1, le premier avec Vercoutre et Kombouaré en plein mois d’août, le second aux Costières, Cassard étant trompé par un coup-franc de Chaussidière.
Bazdarevic fut remercié en janvier, l’occasion pour l’ami Xavier Gravelaine de faire ses premiers pas sur un banc de touche, escorté par Jean-Louis Gasset. Rien ne changea malgré le recrutement de grognards de l’époque : le rugueux Sébastien Pérez, Philippe Delaye et le cultissime Ibrahima Bakayoko. Un gamin nommé Anthony Sichi put croquer un peu dans la pomme Ligue 1 lors des deux dernières journées de championnat…
La suite est délicate pour le FC Istres, qui retombe en National en 2007. Il en sort deux ans plus tard, et le matin du 1er août 2009, fait figure d’humble promu à l’heure de retrouver le RCS pour un match de prime abord anecdotique. Jetons un voile pudique sur cet épisode…


This is the End


Après avoir renoué quatre saisons durant avec sa tradition des maintiens ric-rac, le FC Istres Ouest Provence baisse finalement pavillon en 2014. Après avoir espéré un repêchage administratif – Orléans étant un moment donné dans le collimateur de la DNCG –, Istres dût se résoudre à l’évidence et préparer la saison 2014-2015 en National.
Comme il y a dix ans, la saison tourne au cauchemar. Les recrues estivales au CV clinquant (Mario Licka, Olivier Blondel, Martin Fenin) furent très loin d’assumer leur rang. Le manager Lionel Charbonnier fut progressivement éloigné du terrain, subissant l’affront d’être conservé au club comme vulgaire prête-nom. Cyril Jeunechamp puis Bruno Savry, un historique du club, ont pris tout à tour place sur le banc de touche, sans pouvoir faire grand-chose. Cette saison, Istres a consommé 41 joueurs…
En coulisses, Frédéric Arpinon a fini par jeter l’éponge : tour à tour entraîneur de la réserve, adjoint, entraîneur intérimaire, directeur sportif, actionnaire ces sept dernières saisons – l’histoire ne dit pas s’il assumait les fonctions de lingère – l’ancien milieu de terrain du Racing s’est effacé en septembre dernier, en désaccord avec le président Crémades.

Alors qu’Épinal est officiellement relégué, la place du FC Istres en National ne tient qu’à un fil. Cet aboutissement de trente années de navigation anonyme entre première, deuxième et troisième division ressemble à un clap de fin définitif. On ne voit pas de sursaut populaire surgir des entrailles du stade Parsemain, d’opération sauvetage pilotée par les collectivités locales qui ont d’autres chats à fouetter (quoique…), ni d’ancien joueur prêt à entreprendre une opération-remontée.
Mais sait-on jamais, finalement Istres n’est pas un club si pourri qu’il n’y paraissait au premier regard.

kitl

Commentaires (1)

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  • Article très sympa, qui permet de constater qu'Istres n'est finalement pas un club si pourri.

    Un seul petit oubli, l'évocation du mythique maillot Baliston avec le sponsor Cap'tain Fracasse au milieu des années 2000:
    http://www.ouest-france.fr/photos/2013/03/23/130323162004960_15_0...

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