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Ce Sochaux-RCS a beau être un remake du match de coupe de France de la saison dernière, le club franc-comtois a connu de grands changements ces derniers mois et présentera un visage totalement différent. On fait le point avec Jon, supporter du club.
racingstub.com: Après 87 ans de liens très forts, Peugeot a vendu le club à la société chinoise Ledus. Comment s’est passé la vente ?
Jon: La vérité est qu'on ne sait rien ou très peu de choses dans ce genre de processus. Le club était officiellement à vendre par PSA. Ce qui est sans doute un dommage collatéral de la diminution d'influence de la famille Peugeot dans l'entreprise. Reste cette énigme de savoir comment une PME de Hong Kong, avec un chiffre d'affaire ridicule, qui n'a jamais dégagé de bénéfices, domiciliée fiscalement aux Caïmans, a pu se retrouver non seulement sur le dossier, mais aussi retenue par PSA, alors qu'il y avait d'autres offres.
On sait que le club a été acheté pour 7 millions d'€, que PSA avait épuré les dettes et que PSA rétrocédera 3M€ au FCSM sur les deux années à venir, sous certaines conditions, notamment un maintien en L2. Le club dispose normalement de la trésorerie nécessaire pour tenir deux ans. Quel est le projet des Chinois ? Ils sont censés utiliser le FCSM comme instrument marketing pour vendre des Led aux collectivités locales. Pour l'instant, on ne voit rien venir, mais peut-être est-ce lié aux mauvais résultats sportifs.
Beaucoup de noms ont circulé comme intercesseurs lors de la reprise, dont on a pu craindre à un moment qu'ils soient liés à Jafar Hilali. Certains de ces intermédiaires ont été récompensés : c'est le cas de Thomas Lichtenauer, entrepreneur de Mulhouse, qui est désormais le directeur de Ledus France, et qui est au conseil d'administration du FCSM. Lichtenauer était marchand de meubles. La société Ledus France a été déposée récemment au registre du commerce, avec comme activité le "commerce de gros de meubles, de tapis et d'appareils d'éclairage". C'est dire si le sérieux de l'affaire est garanti !
Actuellement, nous avons beaucoup d'inquiétudes avec deux autres personnages, qui sont Michael Gerber et Mounir Jawhar, qui se présentent comme représentants du FCSM, qui ont leur place en loges, mais sans faire partie officiellement de l'organigramme. On trouve quelques articles dans les DNA et l'Alsace sur leurs agissements, auprès de Colmar notamment. Les supporters ont demandé une clarification lors de la dernière réunion avec la direction, sans obtenir grand-chose.
La gouvernance du club, auparavant confiée à une personne issue de PSA, a également été modifiée. Comment s’organise le club aujourd’hui ?
Parmi les surprises de la reprise chinoise, il y a eu l'éviction de Laurent Pernet qui assurait la direction du club pour PSA et qui est retourné à la maison mère. Impossible de savoir qui a pris la décision et dans quel sens.
Ledus a nommé un nouveau directeur : Ilja Kaenzig, Suisse, qui a un long CV (Grasshopper, Leverkusen, Berne). Kaenzig a l'avantage de bien connaître le milieu du foot, ce qui est une absolue nécessité puisque les Chinois, de leur propre aveu, n'y connaissent absolument rien. Mais j'ai quand même l'impression que Kaenzig n'a pas énormément de latitudes et doit en référer constamment au grand patron, qui est M. Li. Les autres cadres administratifs ont en revanche été conservés. Je ne suis pas sûr que la gouvernance actuelle soit très efficace.
J'espérais que Kaenzig saurait porter un regard sur les difficultés structurelles du club depuis des années et prendre les choses à bras le corps. Aujourd'hui, je ne sais pas s'il est en position de le faire. Et de plus, je ne pense pas que l'on puisse compter sur des investissements importants de la part des repreneurs. Le mercato d'hiver sera à surveiller de près.
La formation a toujours été une marque de fabrique à Sochaux. Quelle est la position du repreneur vis-à-vis de ce secteur ?
C'est un des points positifs de la reprise, mais qui est aussi lié au versant sportif : non seulement Eric Hély est resté à la tête du centre de formation, mais de nombreux jeunes ont aussi été intégré en équipe première. Et il faut dire que nous avons des générations très prometteuses qui arrivent. S'appuyer sur le centre de formation - Li était présent à la victoire en Gambardella - fait clairement partie du projet. Économiquement, de toute façon, il faut pouvoir rentabiliser les investissements au centre. C'est aussi une garantie très forte de l'identité du club.
Comment le centre de formation a-t-il digéré la descente du club en L2 ? Dans une interview, François Keller disait en substance que le FCSM « s'était recentré sur l'essentiel »
Je ne sais pas si le club s'est recentré. Je crois que le FCSM reste un club où une bonne partie des choses sont faites de manière "artisanale" avec de toutes petites équipes, bien loin de ce que l'on peut imaginer de l'extérieur. Au centre, il y a eu des coupes un peu partout et les gens en place ont dû compenser. Par exemple, Wilson Souprayen, qui joue défenseur en CFA, est aussi surveillant du centre.
L'impression actuelle est que le travail est bien fait, notamment au niveau de la détection et du recrutement. Jeando Fuchs, qui est en train de percer en équipe première, qui a signé pro, est un joueur qui est arrivé plus tardivement au centre, par exemple, ce qui est une nouvelle politique. On a de très bons joueurs qui viennent d'Alsace : Marco Ilaimaharitra, Jérôme Onguéné, Jeando Fuchs, etc… Je ne peux que conseiller la longue interview que nous avions faite d'Eric Hély, qui explique bien le fonctionnement de la formation sochalienne.
Tu parles de génération prometteuse, celle qui a remporté la Coupe Gambardella la saison dernière est très présente dans l'effectif actuel. Penses-tu qu'on puisse la comparer avec les précédentes "générations dorées" qu'a connu Sochaux (Martin, Boudebouz, Privat pour 2007; ou Frau, Pedretti, Monsoreau pour la précédente) ?
Les générations que tu cites correspondent à des joueurs offensifs, alors que les talents actuels sont plutôt du côté de la défense. Ça fait bien longtemps que je trouve qu’Onguéné est très fort. Je crois qu’Hervé Renard l'avait déjà convoqué dans le groupe pro à 15 ans. Là, il est au cœur du renouveau de la charnière avec Teikeu, depuis que Vivian et Mignot ont été mis de côté. Nicolas Senzemba, qui est actuellement blessé, peut devenir un très bon arrière gauche. Sur les quelques stats individuelles que l'on avait l'an dernier, il sortait nettement du lot. Actuellement, on découvre Fuchs, qui joue plutôt arrière droit chez les jeunes, mais que Cartier utilise en milieu défensif et qui est très impressionnant.
En attaque, on a Marcus Thuram, le fils de Lilian, ou Thomas Robinet qui ont déjà été titularisés, mais ils n'ont pas eu le même impact. Sans doute, est-ce plus difficile de percer comme joueur offensif ? Dans tous les cas, il y a un palier difficile à franchir entre U19/CFA et pro. Mais c'est aussi tout le club qui doit s'organiser pour réussir ce palier. Quand on voit certaines de nos recrues, on se demande pourquoi on est allé chercher des vétérans plutôt que de puiser dans le vivier du centre de formation.
La saison dernière, le recrutement était principalement axé sur la France et la L2 en particulier. Cet été, sont arrivés des joueurs venus d'horizons plus divers (Ukraine, Belgique, Israël). Est-ce un changement volontaire de politique, lié au changement d'actionnaires ?
Je ne pense pas qu'il y ait une politique coordonnée. Je ne connais pas tous les dossiers, mais ils me semblent assez différents. Adolphe Teikeu qui est la recrue la plus exotique, en provenance d'Odessa, a d'abord été à l'essai en CFA, il me semble. Il est resté longtemps à l'essai et n'a signé que tardivement, et il a fallu le départ d'Echouafni pour se rendre compte qu'on tenait une partie de la solution à nos problèmes défensifs. J'ignore quelle peut être la part des réseaux de l'ex-entraîneur, des nouveaux membres du staff comme Aziz Bouras qui est revenu entraîner les gardiens, ou des intermédiaires qui gravitent autour de la reprise, dans ces recrutements.
Après, ce que l'on sait aussi, c'est que les joueurs en question pouvaient être suivis depuis longtemps, sans être forcément les premiers choix, et que la prise de décision lors du mercato a pu être un peu compliquée, alors que les nouveaux actionnaires s'installaient juste aux commandes.
Après avoir été très contesté la saison dernière, Olivier Echouafni a été licencié après un début de saison catastrophique. Que penses-tu de son éviction ?
Je pense qu'Echouafni aurait dû partir, depuis longtemps. Dès février, il y avait des signes sur le terrain d'une crise dans le projet de jeu, une absence de collectif, de solidarité. L'équipe a vécu un long délitement, jusqu'à finir par se faire désosser par Bourg-Péronnas. Echouafni s'est abrité derrière une série de matchs sans défaite lors de la première partie de la saison dernière, mais en voyant le jeu déployé, on se rendait bien compte que l'équipe ne contrôlait jamais la rencontre, et qu'on s'en sortait sur du talent individuel ou de la chance.
Ça a vraiment été une période horrible, avec une équipe en déliquescence sur le terrain, des joueurs de talent blacklistés dans le vestiaire, un investissement médiocre à l'entraînement, et un mépris généralisé des supporters. Je ne sais pas jusqu'à quel point le staff était incompétent, je crois que l'homme Echouafni n'est pas désagréable à vivre, mais une fois qu'un entraîneur a perdu la confiance de son groupe, il ne reste plus beaucoup de leviers pour remonter la pente et convaincre chacun de faire les efforts.
Et puis, on lui doit aussi des décisions discutables : par exemple, d'avoir écarté Famara Diedhiou, envoyé en prêt à Clermont, où il est actuellement meilleur buteur de Ligue 2, alors que Sochaux a dans le même temps l'une des pires attaques. C'est dire s'il avait du flair sur la qualité des joueurs.
Son remplaçant, Albert Cartier, est surtout réputé pour être un meneur d'hommes, capable de mener des missions commandos. Vois-tu en lui le coach idéal pour Sochaux ? Des changements dans le jeu ont-ils déjà pu être observés ?
J'adore ce que fait Cartier en ce moment. Nous avons la chance d'assister à la reconstruction méthodique, pièce par pièce, d'une équipe. Cartier a pu hériter de la nouvelle base défensive, qui a été mise en place par Omar Daf et Eric Hély lors de leur intérim. Après la défense, il a réorganisé le bloc équipe, en organisant un pressing intense dès la première ligne offensive. Et ça marche, parce que Sochaux récupère énormément de ballons et explose ses adversaires au milieu. Ce qu'on n'avait pas vu depuis une éternité.
Sur cette base-là, l'équipe est encore en manque d'automatismes et de spontanéité ou de créativité dans les phases offensives. Mais je pense que ça va se mettre en place progressivement. Encore faut-il que les joueurs arrivent à tenir le rythme. On va bien voir comment ça se passe sur la durée. Mais le retour des succès en Ligue 2, sur des matchs convaincants, valide la méthode et la thérapie de choc. C'est du sérieux. Je pense que vous verrez un tout autre Sochaux dimanche que l'équipe résignée de l'an dernier.
Au niveau de l'effectif, de quels joueurs Strasbourg devra-t-il se méfier dimanche ?
Je ne sais pas du tout ce que va faire Cartier. A la dernière réunion des supporters, ces derniers l'ont supplié de jouer la coupe à fond ! Moi, je crois que je préférerais malgré tout qu'il fasse des essais et donne la chance à des jeunes de prouver leur valeur. Si l'équipe se présente dans son organisation habituelle, et vu que vous allez sans doute jouer bas, Ekambi, notre principal buteur, devrait être neutralisé. C'est plutôt un joueur de profondeur, même s'il est malin pour se placer dans la surface.
Les joueurs qui ont été les plus décisifs sur les derniers matchs, sont Florian Martin, qui tire les coups de pieds arrêtés, une phase sur laquelle Sochaux est devenu performant, et Sekou Cissé, qui se retrouve à la réception des corners de Martin, mais qui peut aussi aller au combat avec la défense. On ne peut pas dire que Sochaux possède un joueur en forme ou qui sorte du lot, pour l'instant. La base de l'équipe c'est d'abord cette capacité à presser et à faire les efforts ensemble.
Alors que l'affluence et l'ambiance ont beaucoup chuté la saison dernière avec la L2, un frémissement a lieu depuis quelques matchs avec l'apparition d'une tribune de supporters actifs. Est-ce une initiative qui peut durer ? Y'a-t-il encore un potentiel public à Sochaux, malgré la L2 ?
On peut dire que la descente en ligue 2 s'est payée cher : baisse de la fréquentation, fermeture de l'anneau supérieur... et des groupes de supporters éclatés aux quatre coins du stade. Une des grandes nouveautés de la saison, c'est la création de la Tribune Nord Sochaux avec des gens qui avaient pu faire partie des Joys auparavant. La tribune prend de plus en plus d'importance. Les gens la rejoignent. Ça a dû commencer avec une cinquantaine, et contre Evian, ils étaient 400. L'initiative est plutôt soutenue par le club, ce qui est un changement, alors même que le regroupement a été décidé unilatéralement côté supporters. Je crois que ça fait beaucoup de bien à tout le monde d'avoir cette tribune. Les joueurs le disent régulièrement. C'est une tribune ouverte et inclusive, et même des vieux comme moi ont rejoint sans trop hésiter !
Sur le plan du public, c'est une grande question. Sur les trente dernières années, le club a muté pour passer d'un club d'entreprise avec des affluences qui ne concernaient que Montbéliard et Peugeot ou presque, à un club régional, avec une aire de recrutement plus large, mais sans que la ville ne soit une métropole régionale. Je ne sais pas si le modèle de Nancy, par exemple, avec des abonnements très bons marchés, peut être une voie à suivre. Le fait que les Chinois jouent sur l'identité régionale avec le lion comtois comme blason, ça va dans ce sens-là. On doit tourner à 6000-7000 d'affluence moyenne, ce qui n'est pas si mal, quand on voit le désert qu'on a traversé sous Echouafni, non seulement en termes de résultats, mais aussi de jeu. C'est le noyau dur des fidèles. Pour le reste, ça dépend des résultats et de l'enjeu sportif.
Un grand merci à Jon pour sa disponibilité et la précision de ses réponses. Vous pouvez le retrouver sur l'excellent site La Bande à Bonal.
Jon: La vérité est qu'on ne sait rien ou très peu de choses dans ce genre de processus. Le club était officiellement à vendre par PSA. Ce qui est sans doute un dommage collatéral de la diminution d'influence de la famille Peugeot dans l'entreprise. Reste cette énigme de savoir comment une PME de Hong Kong, avec un chiffre d'affaire ridicule, qui n'a jamais dégagé de bénéfices, domiciliée fiscalement aux Caïmans, a pu se retrouver non seulement sur le dossier, mais aussi retenue par PSA, alors qu'il y avait d'autres offres.
On sait que le club a été acheté pour 7 millions d'€, que PSA avait épuré les dettes et que PSA rétrocédera 3M€ au FCSM sur les deux années à venir, sous certaines conditions, notamment un maintien en L2. Le club dispose normalement de la trésorerie nécessaire pour tenir deux ans. Quel est le projet des Chinois ? Ils sont censés utiliser le FCSM comme instrument marketing pour vendre des Led aux collectivités locales. Pour l'instant, on ne voit rien venir, mais peut-être est-ce lié aux mauvais résultats sportifs.
Beaucoup de noms ont circulé comme intercesseurs lors de la reprise, dont on a pu craindre à un moment qu'ils soient liés à Jafar Hilali. Certains de ces intermédiaires ont été récompensés : c'est le cas de Thomas Lichtenauer, entrepreneur de Mulhouse, qui est désormais le directeur de Ledus France, et qui est au conseil d'administration du FCSM. Lichtenauer était marchand de meubles. La société Ledus France a été déposée récemment au registre du commerce, avec comme activité le "commerce de gros de meubles, de tapis et d'appareils d'éclairage". C'est dire si le sérieux de l'affaire est garanti !
Actuellement, nous avons beaucoup d'inquiétudes avec deux autres personnages, qui sont Michael Gerber et Mounir Jawhar, qui se présentent comme représentants du FCSM, qui ont leur place en loges, mais sans faire partie officiellement de l'organigramme. On trouve quelques articles dans les DNA et l'Alsace sur leurs agissements, auprès de Colmar notamment. Les supporters ont demandé une clarification lors de la dernière réunion avec la direction, sans obtenir grand-chose.
La gouvernance du club, auparavant confiée à une personne issue de PSA, a également été modifiée. Comment s’organise le club aujourd’hui ?
Parmi les surprises de la reprise chinoise, il y a eu l'éviction de Laurent Pernet qui assurait la direction du club pour PSA et qui est retourné à la maison mère. Impossible de savoir qui a pris la décision et dans quel sens.
Ledus a nommé un nouveau directeur : Ilja Kaenzig, Suisse, qui a un long CV (Grasshopper, Leverkusen, Berne). Kaenzig a l'avantage de bien connaître le milieu du foot, ce qui est une absolue nécessité puisque les Chinois, de leur propre aveu, n'y connaissent absolument rien. Mais j'ai quand même l'impression que Kaenzig n'a pas énormément de latitudes et doit en référer constamment au grand patron, qui est M. Li. Les autres cadres administratifs ont en revanche été conservés. Je ne suis pas sûr que la gouvernance actuelle soit très efficace.
J'espérais que Kaenzig saurait porter un regard sur les difficultés structurelles du club depuis des années et prendre les choses à bras le corps. Aujourd'hui, je ne sais pas s'il est en position de le faire. Et de plus, je ne pense pas que l'on puisse compter sur des investissements importants de la part des repreneurs. Le mercato d'hiver sera à surveiller de près.
La formation a toujours été une marque de fabrique à Sochaux. Quelle est la position du repreneur vis-à-vis de ce secteur ?
C'est un des points positifs de la reprise, mais qui est aussi lié au versant sportif : non seulement Eric Hély est resté à la tête du centre de formation, mais de nombreux jeunes ont aussi été intégré en équipe première. Et il faut dire que nous avons des générations très prometteuses qui arrivent. S'appuyer sur le centre de formation - Li était présent à la victoire en Gambardella - fait clairement partie du projet. Économiquement, de toute façon, il faut pouvoir rentabiliser les investissements au centre. C'est aussi une garantie très forte de l'identité du club.
Comment le centre de formation a-t-il digéré la descente du club en L2 ? Dans une interview, François Keller disait en substance que le FCSM « s'était recentré sur l'essentiel »
Je ne sais pas si le club s'est recentré. Je crois que le FCSM reste un club où une bonne partie des choses sont faites de manière "artisanale" avec de toutes petites équipes, bien loin de ce que l'on peut imaginer de l'extérieur. Au centre, il y a eu des coupes un peu partout et les gens en place ont dû compenser. Par exemple, Wilson Souprayen, qui joue défenseur en CFA, est aussi surveillant du centre.
L'impression actuelle est que le travail est bien fait, notamment au niveau de la détection et du recrutement. Jeando Fuchs, qui est en train de percer en équipe première, qui a signé pro, est un joueur qui est arrivé plus tardivement au centre, par exemple, ce qui est une nouvelle politique. On a de très bons joueurs qui viennent d'Alsace : Marco Ilaimaharitra, Jérôme Onguéné, Jeando Fuchs, etc… Je ne peux que conseiller la longue interview que nous avions faite d'Eric Hély, qui explique bien le fonctionnement de la formation sochalienne.
Tu parles de génération prometteuse, celle qui a remporté la Coupe Gambardella la saison dernière est très présente dans l'effectif actuel. Penses-tu qu'on puisse la comparer avec les précédentes "générations dorées" qu'a connu Sochaux (Martin, Boudebouz, Privat pour 2007; ou Frau, Pedretti, Monsoreau pour la précédente) ?
Les générations que tu cites correspondent à des joueurs offensifs, alors que les talents actuels sont plutôt du côté de la défense. Ça fait bien longtemps que je trouve qu’Onguéné est très fort. Je crois qu’Hervé Renard l'avait déjà convoqué dans le groupe pro à 15 ans. Là, il est au cœur du renouveau de la charnière avec Teikeu, depuis que Vivian et Mignot ont été mis de côté. Nicolas Senzemba, qui est actuellement blessé, peut devenir un très bon arrière gauche. Sur les quelques stats individuelles que l'on avait l'an dernier, il sortait nettement du lot. Actuellement, on découvre Fuchs, qui joue plutôt arrière droit chez les jeunes, mais que Cartier utilise en milieu défensif et qui est très impressionnant.
En attaque, on a Marcus Thuram, le fils de Lilian, ou Thomas Robinet qui ont déjà été titularisés, mais ils n'ont pas eu le même impact. Sans doute, est-ce plus difficile de percer comme joueur offensif ? Dans tous les cas, il y a un palier difficile à franchir entre U19/CFA et pro. Mais c'est aussi tout le club qui doit s'organiser pour réussir ce palier. Quand on voit certaines de nos recrues, on se demande pourquoi on est allé chercher des vétérans plutôt que de puiser dans le vivier du centre de formation.
La saison dernière, le recrutement était principalement axé sur la France et la L2 en particulier. Cet été, sont arrivés des joueurs venus d'horizons plus divers (Ukraine, Belgique, Israël). Est-ce un changement volontaire de politique, lié au changement d'actionnaires ?
Je ne pense pas qu'il y ait une politique coordonnée. Je ne connais pas tous les dossiers, mais ils me semblent assez différents. Adolphe Teikeu qui est la recrue la plus exotique, en provenance d'Odessa, a d'abord été à l'essai en CFA, il me semble. Il est resté longtemps à l'essai et n'a signé que tardivement, et il a fallu le départ d'Echouafni pour se rendre compte qu'on tenait une partie de la solution à nos problèmes défensifs. J'ignore quelle peut être la part des réseaux de l'ex-entraîneur, des nouveaux membres du staff comme Aziz Bouras qui est revenu entraîner les gardiens, ou des intermédiaires qui gravitent autour de la reprise, dans ces recrutements.
Après, ce que l'on sait aussi, c'est que les joueurs en question pouvaient être suivis depuis longtemps, sans être forcément les premiers choix, et que la prise de décision lors du mercato a pu être un peu compliquée, alors que les nouveaux actionnaires s'installaient juste aux commandes.
Après avoir été très contesté la saison dernière, Olivier Echouafni a été licencié après un début de saison catastrophique. Que penses-tu de son éviction ?
Je pense qu'Echouafni aurait dû partir, depuis longtemps. Dès février, il y avait des signes sur le terrain d'une crise dans le projet de jeu, une absence de collectif, de solidarité. L'équipe a vécu un long délitement, jusqu'à finir par se faire désosser par Bourg-Péronnas. Echouafni s'est abrité derrière une série de matchs sans défaite lors de la première partie de la saison dernière, mais en voyant le jeu déployé, on se rendait bien compte que l'équipe ne contrôlait jamais la rencontre, et qu'on s'en sortait sur du talent individuel ou de la chance.
Ça a vraiment été une période horrible, avec une équipe en déliquescence sur le terrain, des joueurs de talent blacklistés dans le vestiaire, un investissement médiocre à l'entraînement, et un mépris généralisé des supporters. Je ne sais pas jusqu'à quel point le staff était incompétent, je crois que l'homme Echouafni n'est pas désagréable à vivre, mais une fois qu'un entraîneur a perdu la confiance de son groupe, il ne reste plus beaucoup de leviers pour remonter la pente et convaincre chacun de faire les efforts.
Et puis, on lui doit aussi des décisions discutables : par exemple, d'avoir écarté Famara Diedhiou, envoyé en prêt à Clermont, où il est actuellement meilleur buteur de Ligue 2, alors que Sochaux a dans le même temps l'une des pires attaques. C'est dire s'il avait du flair sur la qualité des joueurs.
Son remplaçant, Albert Cartier, est surtout réputé pour être un meneur d'hommes, capable de mener des missions commandos. Vois-tu en lui le coach idéal pour Sochaux ? Des changements dans le jeu ont-ils déjà pu être observés ?
J'adore ce que fait Cartier en ce moment. Nous avons la chance d'assister à la reconstruction méthodique, pièce par pièce, d'une équipe. Cartier a pu hériter de la nouvelle base défensive, qui a été mise en place par Omar Daf et Eric Hély lors de leur intérim. Après la défense, il a réorganisé le bloc équipe, en organisant un pressing intense dès la première ligne offensive. Et ça marche, parce que Sochaux récupère énormément de ballons et explose ses adversaires au milieu. Ce qu'on n'avait pas vu depuis une éternité.
Sur cette base-là, l'équipe est encore en manque d'automatismes et de spontanéité ou de créativité dans les phases offensives. Mais je pense que ça va se mettre en place progressivement. Encore faut-il que les joueurs arrivent à tenir le rythme. On va bien voir comment ça se passe sur la durée. Mais le retour des succès en Ligue 2, sur des matchs convaincants, valide la méthode et la thérapie de choc. C'est du sérieux. Je pense que vous verrez un tout autre Sochaux dimanche que l'équipe résignée de l'an dernier.
Au niveau de l'effectif, de quels joueurs Strasbourg devra-t-il se méfier dimanche ?
Je ne sais pas du tout ce que va faire Cartier. A la dernière réunion des supporters, ces derniers l'ont supplié de jouer la coupe à fond ! Moi, je crois que je préférerais malgré tout qu'il fasse des essais et donne la chance à des jeunes de prouver leur valeur. Si l'équipe se présente dans son organisation habituelle, et vu que vous allez sans doute jouer bas, Ekambi, notre principal buteur, devrait être neutralisé. C'est plutôt un joueur de profondeur, même s'il est malin pour se placer dans la surface.
Les joueurs qui ont été les plus décisifs sur les derniers matchs, sont Florian Martin, qui tire les coups de pieds arrêtés, une phase sur laquelle Sochaux est devenu performant, et Sekou Cissé, qui se retrouve à la réception des corners de Martin, mais qui peut aussi aller au combat avec la défense. On ne peut pas dire que Sochaux possède un joueur en forme ou qui sorte du lot, pour l'instant. La base de l'équipe c'est d'abord cette capacité à presser et à faire les efforts ensemble.
Alors que l'affluence et l'ambiance ont beaucoup chuté la saison dernière avec la L2, un frémissement a lieu depuis quelques matchs avec l'apparition d'une tribune de supporters actifs. Est-ce une initiative qui peut durer ? Y'a-t-il encore un potentiel public à Sochaux, malgré la L2 ?
On peut dire que la descente en ligue 2 s'est payée cher : baisse de la fréquentation, fermeture de l'anneau supérieur... et des groupes de supporters éclatés aux quatre coins du stade. Une des grandes nouveautés de la saison, c'est la création de la Tribune Nord Sochaux avec des gens qui avaient pu faire partie des Joys auparavant. La tribune prend de plus en plus d'importance. Les gens la rejoignent. Ça a dû commencer avec une cinquantaine, et contre Evian, ils étaient 400. L'initiative est plutôt soutenue par le club, ce qui est un changement, alors même que le regroupement a été décidé unilatéralement côté supporters. Je crois que ça fait beaucoup de bien à tout le monde d'avoir cette tribune. Les joueurs le disent régulièrement. C'est une tribune ouverte et inclusive, et même des vieux comme moi ont rejoint sans trop hésiter !
Sur le plan du public, c'est une grande question. Sur les trente dernières années, le club a muté pour passer d'un club d'entreprise avec des affluences qui ne concernaient que Montbéliard et Peugeot ou presque, à un club régional, avec une aire de recrutement plus large, mais sans que la ville ne soit une métropole régionale. Je ne sais pas si le modèle de Nancy, par exemple, avec des abonnements très bons marchés, peut être une voie à suivre. Le fait que les Chinois jouent sur l'identité régionale avec le lion comtois comme blason, ça va dans ce sens-là. On doit tourner à 6000-7000 d'affluence moyenne, ce qui n'est pas si mal, quand on voit le désert qu'on a traversé sous Echouafni, non seulement en termes de résultats, mais aussi de jeu. C'est le noyau dur des fidèles. Pour le reste, ça dépend des résultats et de l'enjeu sportif.
Un grand merci à Jon pour sa disponibilité et la précision de ses réponses. Vous pouvez le retrouver sur l'excellent site La Bande à Bonal.
