Saison 2023/2024
Racing Club de Strasbourg

Lionel Carole en bleu

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Par athor
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© rachmaninov

Conscient de son manque de profondeur d’effectif en défense et de véritable référence au poste de latéral gauche, le Racing s’est attaché les services de Lionel Carole, 27 ans et précédé d’une belle expérience, notamment à l’étranger.

Bien avancé dans son recrutement au moment de reprendre le championnat, le Racing a malgré tout identifié certains manques à des postes clés, nécessitant un recrutement d’ici la fin du mois d’août. Si les pistes menant à des joueurs offensifs ont fleuri et ont beaucoup fait parler ces derniers jours, notamment Gaëtan Laborde qui a préféré s’engager avec Montpellier, la presse n’a pas beaucoup fait écho d’un possible renfort défensif. Pourtant, le poste de latéral gauche apparaissait comme prioritaire, comme l’a encore prouvé la titularisation d’Anthony Caci à Bordeaux, lui l’habituel milieu défensif axial, sans compter l’incertitude qu’il règne autour de la condition physique d’Abdallah N’Dour. La cellule de recrutement travaillait donc sur ce dossier depuis plusieurs mois, et tant Thierry Laurey que Marc Keller évoquaient la volonté de recruter « un défenseur polyvalent », tout en sachant que celui-ci devrait prioritairement couvrir les besoins à gauche. Si le club a étudié la possibilité d’obtenir le prêt du jeune parisien Stanley Nsoki, il est finalement jeté son dévolu sur un joueur plus expérimenté, Lionel Carole (27 ans), pour lequel il a déboursé entre 600 et 750 000€.

Natif de région parisienne, il débute à Neuilly-sur-Marne, avant de jouer successivement pour Villemomble, l'US Lusitanos Saint-Maur et l'UJA Alfortville. Prometteur au point de susciter l’intérêt de centres de formation, le joueur aurait pu voir sa trajectoire brisée un jour de 2000, à l’occasion d’un match avec Villemonble, quand il subit une grave blessure à l’œil droit après avoir pris un ballon en plein visage. Résultat, son acuité visuelle est considérablement réduite à cet œil (deux dixièmes) et le médecin l’oblige à porter des lunettes de protection s’il veut retrouver les terrains. Ce handicap n’empêche pourtant pas Carole de taper dans l’œil des recruteurs nantais en 2007, alors qu’il vient d’achever une belle saison à Alfortville au poste d’ailier gauche. Si les médecins du FC Nantes se montrent d’abord réticents à valider la signature, en raison de son œil, les formateurs du clubs insistent et lui proposent même une paire de lunettes spéciale importée des Etats-Unis, d’une valeur de 450€ et semblable à celle que portait l’ancien international néerlandais Edgar Davids. Un accessoire dont il se séparera quelques années plus tard, en 2010.

A Nantes, le joueur fait parler sa patte gauche à différents postes, d’abord dans l’axe de la défense avec les moins de 16 ans, puis au poste de latéral gauche en moins de 18 ans, avant d’être fixé définitivement à ce poste par Laurent Guyot, l’entraineur de l’équipe réserve. Rapidement, son application et sa maturité sont saluées. Lionel Carole, lui, prend de plus en plus la mesure de son poste : « dans ma tête, la relance propre prime sur tout. On a été éduqué de la sorte au centre de formation par Laurent Guyot, Stéphane Moreau et Samuel Fenillat. Regardez toutes les grandes équipes, le défenseur fait une première passe au sol et tout s'enchaîne. J'aime faire la différence par une passe ou un dribble, proposer, apporter des solutions. J’ai la chance d'être assez bas et assez ferme sur mes appuis. Défensivement, j'essaie d'être attentif durant les dix premières minutes aux prises de balle vers l'avant et aux contrôles de mon adversaire direct. » Pourtant, tout a failli basculer en 2009, quand Gilles Favard, ancien dirigeant d’ISL France, une société de conseil sportif, et pourtant condamné pour escroquerie un an auparavant, devient le conseiller sportif de Waldemar Kita. L’actuel chroniqueur de la chaîne l’Equipe cherche à s’affirmer et va signifier le renvoi de certains jeunes du centre de formation, dont Carole, sans jamais les avoir vu à l’œuvre. Devenu indésirable en CFA2, le latéral gauche est tout de même soutenu par ses formateurs et retrouve les terrains avec les U19 : « Heureusement que Samuel Fenillat, Dominique Casagrande et Vincent Bracigliano ont cru en moi. J'ai continué à travailler à l'échelon inférieur. Les phases finales du championnat de France et de Gambardella m'ont permis de me reconstruire moralement et techniquement. Les dirigeants ont vu. »

De retour de vacances, il intègre le groupe professionnel, coaché par Baptiste Gentili, et gagne sa place de doublure de Damien Tixier au poste de latéral gauche. Mais rapidement, le jeune Francilien fait ses preuves et s’installe comme titulaire en L2. Avec 14 matchs disputés durant la phase aller, et des prestations remarquées, les dirigeants du club envisagent de proposer un premier contrat professionnel à celui qu’ils ont voulu pousser vers la sortie quelques mois auparavant. Les négociations débutent dès le mois de novembre 2010, mais rapidement, l’agent de Carole se plaint des méthodes de Gilles Favard : « Il a tenu des propos menaçants à l’égard de Lionel s'il ne prolongeait pas, lui a demandé de changer d'agent... Pire, lundi matin, on lui a repris toutes ses affaires et signifié qu'il ne rentrerait pas dans le vestiaire des pros. » Dans ce contexte, plusieurs clubs, notamment étrangers viennent aux nouvelles. L’intérêt de Benfica se fait ainsi pressant, mais le joueur n’est pas contre rester dans son club formateur. La sortie très virulente de Gilles Favard dans la presse locale, le matin même d’un rendez-vous entre le représentant de Carole et le président Kita, va toutefois mettre fin à toute possibilité d’accord : « On l'a sorti de la merde, on en a fait un joueur de foot. Il nous a baladés avec son agent. Il a pris sa décision, qu'il se casse. Ce n'est pas non plus Roberto Carlos ! Ce n'est pas un doigt dans le cul qu'il nous met, c'est un baobab » (sic). Destiné à rester à Nantes jusqu’à la fin de son contrat stagiaire en juin 2011, Lionel Carole rejoint finalement le Portugal et Benfica dès le mois de janvier, où il signe un contrat de cinq ans et demi. Nantes récupère environ un million d’euros dans la transaction.

A Lisbonne, son intégration se fait rapidement, le coach Jorge Jesus le considérant comme la doublure de Fabio Coentrao. Aligné à partir du mois de mars contre les équipes de seconde partie de tableau, le Français dispute six matchs, tous comme titulaire. Après cette première saison relativement réussie au niveau sénior, Carole, qui était régulièrement convoqué en sélection nationale chez les jeunes, est retenu par Francis Smerecki pour la coupe du monde U20 en Colombie, aux côtés notamment d’Alexandre Lacazette, Antoine Griezmann et Clément Grenier, mais il ne sera que peu aligné. Revenu tardivement dans son club après cette compétition et ses vacances, il doit faire face à une nouvelle concurrence. Benfica, qui vient de perdre Coentrao, a en effet recruté Joan Capdevila et le Lillois Emerson pour occuper le poste de latéral gauche. A la fin du mois d’août, il est finalement prêté en L2, à Sedan, club entraîné par Laurent Guyot, son ancien formateur à Nantes.

Mais son adaptation dans les Ardennes ne se passe pas comme prévu. Victime de quelques pépins à la cheville, il peine à retrouver un rythme optimal, et perd peu à peu sa place au profit de Florentin Pogba. Et quand ce dernier est repositionné dans l’axe de la défense, Carole, redevenu titulaire, ne convainc toujours pas et est même expulsé à lors d’un match face à Reims. C’est du banc qu’il verra la fin de la saison du CSSA, avec la perspective d’un retour à Lisbonne. Cantonné à l’équipe réserve, qui évolue tout de même en deuxième division, le latéral gauche y effectue une saison pleine (deuxième joueur le plus utilisé avec 39 matchs joués) aux côtés des autres espoirs du club, dont Victor Lindelöf et Ivan Cavaleiro. Dans une impasse, il quitte finalement le Portugal à l’été 2013 et signe pour trois saisons à Troyes, en L2.

Sous les ordres de Jean-Marc Furlan, le joueur revit au sein d’une équipe tout juste reléguée mais qui souhaite retrouver l’élite sous deux à trois saisons, avec un recrutement entre jeunesse et expérience (dont Guillaume Lacour). Entré en jeu lors de la première journée, Lionel Carole gagne sa place de titulaire dès la deuxième journée, pour ne plus la lâcher durant toute la saison. La latéral réalise un exercice plein, avec 38 matchs joués, pour trois passes décisives. L’ESTAC termine 10ème au classement, à 13 longueurs du podium. La montée, Troyes l’obtient un an plus tard, après avoir survolé le championnat. Champion avec 13 points d’avance sur son dauphin, le Gazélec Ajaccio de Thierry Laurey, l’équipe de Jean-Marc Furlan est saluée par tous les observateurs, notamment à l’occasion des trophées de l’UNFP, dont l’équipe type est constituée de cinq aubois. Dans ce onze figure évidemment Carole, encore une fois auteur d’une saison pleine, avec 37 matchs joués dans leurs intégralités (il ne manque le grand chelem qu’en raison d’une suspension lors de la 37ème journée), pour cinq passes décisives. Promu sportivement en L1, Troyes a tout de même besoin d’argent frais pour valider sa place, et est contraint de céder des joueurs. Évidemment, après deux excellentes saisons, Lionel Carole est suivi par de nombreux clubs. Après avoir prolongé son contrat en avril 2015, pour augmenter sa valeur marchande (« Troyes ne pouvait pas se permettre de ne pas récupérer d'argent. Cette prolongation, c'était pour retourner la marque de confiance que m'avait faite le club. C'était pour les arranger aussi. »), le latéral gauche est vendu à Galatasaray contre 1,5M€.

A Istanbul, il est confronté à une rude concurrence, notamment celle de l’expérimenté Hakan Balta et du Brésilien Alex Telles (qui partira à l’Inter au mois d’août), mais cela ne l’effraie pas : « je suis venu ici en connaissance de cause. La concurrence n'est pas un frein pour moi, mais plutôt un facteur de motivation pour intégrer l'équipe. Lorsque vous jouez, vous sentez que vous devez faire le maximum. » Titulaire en début de saison, en championnat comme en ligue des champions, notamment à l’occasion d’un succès contre Benfica, il se blesse à la cuisse au plus mauvais moment, lors du derby face à Fenerbahce fin octobre. De retour sur les terrains au mois de janvier, il retrouve véritablement sa place de titulaire au début du printemps, pour achever sa première saison avec un bilan plus qu’honorable de 19 matchs de championnat et de 5 matchs de coupe d’Europe. En revanche, Galatasaray termine à la 6ème place du classement, malgré un effectif clinquant avec Wesley Sneijder et Lukas Podolski comme têtes d’affiche. Sa deuxième saison démarre sous les mêmes auspices, Lionel Carole ayant conservé sa place de titulaire dans une équipe très remaniée. Indiscutable à son poste, il enchaîne les rencontres jusqu’au printemps où quelques ennuis physiques, sans gravité, lui feront manquer quelques journées. Mais encore une fois, le Cimbom termine à une place décevante au classement (4ème) et la pression se fait forte sur les dirigeants pour qu’ils bâtissent une équipe capable de retrouver le sommet.

A l’été 2017, Galatasaray met donc le paquet sur le marché des transferts pour se renforcer dans toutes les lignes, et recrute à tour de bras : Feghouli, Belhanda, Fernando, Gomis, etc… Au poste de latéral gauche, l’international japonais de l’Inter Yuto Nagatomo est engagé, poussant irrémédiablement Carole sur la touche. Son seul espoir de temps de jeu passe donc par un départ, et le 31 août, il est prêté au FC Séville, une excellente opportunité pense-t-il sans doute alors. Annoncé comme doublure de Sergio Escudero dès le départ, l’ancien Troyen parvient tout de même à cumuler un peu de temps de jeu sous les ordres d’Eduardo Berizzo, avec six titularisations en Liga, dont lors de la défaite 5-0 sur la pelouse du Real Madrid. Mais le technicien argentin est licencié au mois de décembre et remplacé par l’Italien Vincenzo Montella. Celui-ci profite du mercato de janvier pour apporter quelques modifications à son effectif, notamment sur les côtés de sa défense avec les arrivées combinées du Brésilien Arana et du Mexicain Layun. Désormais totalement barré et mis de côté sans véritable explication, Lionel Carole ne joue plus et exprime son mal-être sur les réseaux sociaux : « la vérité, c'est que je suis très triste. Je suis venu ici pour ce que j'aime : jouer au foot. Si je ne peux pas jouer, je ne suis pas heureux. Je continue à m'entraîner avec mes coéquipiers, mais j'ai besoin de jouer pour ressentir toutes ces émotions incroyables. Je n'ai jamais été traité de cette manière dans le passé. Séville est un grand club, et je ne m'attendais pas à ce que les dirigeants agissent comme cela. C'est incroyable...»

De retour à Galatasaray, l’entraîneur Fatih Terim lui annonce qu’il ne compte pas sur lui, mais lui permet tout de même de participer à la préparation et aux matchs amicaux. Dernièrement, il est même entré en jeu lors de la Supercoupe de Turquie. A la recherche d’un nouveau club pour se relancer, Lionel Carole a donc fait le choix d’accepter l’offre du Racing, malgré un salaire moindre que celui qu’il touchait en Turquie. Avec huit saisons professionnelles, faites de haut et de bas, derrière lui, le latéral gauche arrive à Strasbourg avec une belle expérience, même s’il n’a pas connu la L1. Vrai spécialiste du poste, il permettra (enfin) au RCS de disposer d’un vrai pendant côté gauche à Kenny Lala, capable d’apporter offensivement.

Citations issues de So Foot, Ouest France, Sabah et l’Equipe.
Merci à @eren67 pour le coup de main.

athor

Commentaires (14)

Flux RSS 14 messages · Premier message par cernay68 · Dernier message par echouafni

  • "Ce handicap n’empêche pourtant pas Carole de taper dans l’œil des recruteurs nantais en 2007"
    Rhôôô, il a osé... :)

    Merci pour l'article, @athor !
  • Super article.

    Ça sent bon en tout cas, encore un bon coup de la cellule et de Maestro Keller.
  • Gageons qu'il fera pétiller le couloir gauche !
  • merci pour cet article complet !
    Les videos vues sur youtube, montrent un élément technique qui nous fera du bien cette saison.
  • Très bel article et surtout très enrichissant sur certaines personnes qui se disent pro et ne sont que des "guignols"
    Merci Athor
  • Article étoffé, nickel.
    La cellule de recrutement bosse bien et surtout de façon très discrète, c'est appréciable de ne pas avoir de feuilletons qui durent tout le mercato.
    J'espère que Carole à Strasbourg sera pétillant juste ce qu'il faut pour que ça ne Laborde du vert gazon lors de la réception du Mhsc.
    Qu'il s'applique en défense, histoire qu'il ne b/voit pas rouge :)
  • Merci beaucoup pour ce remarquable article. C’est un vrai travail de pro.
  • Quelle réactivité !! Très bon article
  • J'ai du mal à me représenter le temps de recherche pour retranscrire avec autant de précision ce parcours... c'est super intéressant.

    On apprend (ou plutôt on a une précise confirmation) à quel point ce Favard est une pourriture quand même, on retrouve des déclarations du joueur qui montrent un super état d'esprit et de l'intelligence (derniers points quand même très importants) et on comprend mieux les raisons pourtant assez insondables de sa mise à l'écart à Seville par Montella (le même qui jette un Ben Yedder aux orties) puis à Galatasaray qui a refait sa vie (et ses avis) depuis son prêt infructueux.

    Merci pour toutes ces infos sur cette recrue !
    Et bienvenue à lui, en lui souhaitant le meilleur, beaucoup de réussite et du plaisir ici.
  • On apprend également qu'il connaît un ancien et actuel du club: Guillaume Lacour. Sacré Favard! Et merci @athor :-)
  • Du lourd cet article.merci
  • father-tom a écrit, le 17/08/2018 23:26 :
    J'ai du mal à me représenter le temps de recherche pour retranscrire avec autant de précision ce parcours... c'est super intéressant.

    A peu près 5-6h, entre la recherche, la structuration et la rédaction.
  • Connaissez vous la légende de L'Athor !!
    C'est une énergie solaire, cristalline, divine et SPORTIVE
    La légende de L'Athor du Racing.....c'est ATHOR et ses articles et les brèves
  • J’ai lu l’article dès sa publication (article brillant comme d’hab’) mais ce n’est que maintenant que j’en saisis le jeu de mots dans son titre. Carol(a) Bleu !
    Excellent.

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