L'autoroute bleue

Depuis quelques semaines, on pressentait que la mobilisation alsacienne pour soutenir le Racing à Lille serait historique. Les 11900 places réservées au club s'étaient vendues en une soirée et les indiscrétions glanées auprès de la billetterie grand public laissaient à penser que les places en latérales avaient été massivement achetées par des Alsaciens. Mais allait-on battre le nombre de 25000 supporters du RCS de la finale de la Coupe de France 2001 ? Peut-être…. Et le nombre record de 30 000 supporters de la finale de 2005, pourrait-on l'approcher ? Sans doute pas, pensait-on, la faute à la capacité « trop limitée » du stade Pierre Mauroy (50 000 places).

Et pourtant. Ce samedi 30 mars au matin, les fans qui prennent la route pour Lille prennent la mesure de l'ampleur de la mobilisation : la plupart des voitures ont des écharpes bleues en évidence. Les parkings des aires de repos luxembourgeoises et belges sont saturées de plaques « 67-68 » et des centaines de maillots bleus s'y dégourdissent les jambes.

Le succès du cortège

Un grand nombre de supporters se retrouvent dans l'après-midi au parc Lebas, pour un joyeux apéritif sous le soleil lillois. Peu avant 17h, tout ce beau monde se met en branle direction Villeneuve d'Ascq. Le cortège (organisé par la Fédération des supporters du Racing avec le soutien du club) s'étire sur plusieurs centaines de mètres et regroupe 10 000 personnes environ, dixit la police locale. Quelques fumigènes sont craqués, les chants résonnent. L'ambiance est détendue : les habitants des quartiers traversés saluent les Alsaciens et leur souhaitent bonne chance. La police montée à cheval est une des attractions de l'après-midi.

Après une bonne heure de marche, les fans arrivent à l'impersonnelle « zone commerciale-stade ». Les buvettes et sandwicheries sont prises d'assaut par les supporters des deux équipes, mélangés dans un joyeux brouhaha.

Un stade bleu, au delà des attentes

Au moment du coup d'envoi, le verdict tombe enfin : si la tribune Nord est bien bretonne, le reste du stade est bleu et supporte le Racing. Il y a sans doute entre 30 000 et 35 000 fans du Racing en tribune. Le match démarre dans une ambiance survoltée, les 2 camps donnant de la voix de façon puissante. Sur le terrain, le Racing est peu inspiré et c'est Guingamp qui se montre le plus dangereux. Dans les gradins, l’ambiance est par moment énorme, mais trop souvent frustrante. Frustrante, car on sent que les 3/4 de ce stade sont prêts à suivre les chants du Kop bleu et blanc, mais que trop souvent, cette gigantesque chorale n’arrive pas à se synchroniser. La faute notamment à des chants entonnés encore plus vite que d’habitude (!) par le noyau. Les mauvaise habitudes d’accélérations de chants prises depuis des années par le Kop l’ont parfois empêché d’entraîner efficacement le stade. Mais quand tout le monde a été à l’unisson, comme sur le « Aux armes » ou « STRAS-BOUR-GEOIS », le rendu a été absolument colossal.

Il convient de tirer un coup de chapeau aux supporters guingampais qui, malgré l’infériorité numérique, ont présenté un mur rouge et noir uni, festif, dynamique et bruyant. Leurs chants ont régulièrement été entendus jusqu’au cœur du Kop strasbourgeois.

La fatigue, mais la joie !

Le match, assez pauvre en émotions, a par moment fait retomber l’ambiance. Le stress et la fatigue ont aussi gagné les fans, qui avaient pour la plupart enchaîné un lever matinal, des heures de voiture, des km de marche dans Lille, une ou deux bières et une fricadelle (une épreuve culinaire). Par chance, la séance des tirs aux buts s’est déroulée côté strasbourgeois, ce qui a réveillé les tribunes bleues. Les tireurs bretons ont dû affronter une bronca monumentale. Cela a-t-il été décisif ? On aimerait le croire.

Lorsque Carole marque, c’est l’explosion de joie générale. Les joueurs viennent faire la fête avec le Kop, avec les désormais traditionnelles prises de micro de joueurs, assez réussies ce soir là (cela n’a pas toujours été le cas). Et puis, il est temps de rentrer. L’heure est déjà bien avancée. Les supporters venus en voiture repartent assez rapidement sur l’autoroute. Mais ceux qui souhaitent rentrer à Lille en métro doivent longuement patienter, ce dernier semblant un peu sous-dimensionné pour évacuer autant de monde. Dans quelques heures, il faudra rentrer à la maison, retrouver les tracas quotidiens. Mais tous garderont longtemps en mémoire cette joyeuse invasion alsacienne à Lille, qui a constitué une formidable aventure collective.


Merci à @strohteam pour le titre de l'article