Saison 2023/2024
Racing Club de Strasbourg

Il y a 30 ans : les barrages, genèse d’un complexe

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Souvenir/anecdote
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Par kitl
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Specht et Gillot aux prises avec ce diable de Cabañas

Battu à Brest (2-2 ; 0-1) début juin 1989, le Racing ouvre un cycle de plusieurs saisons achevées dans le fracas des barrages.

Rétablis en 2017 à l’occasion d’un Lorient - Troyes de tout premier ordre, les barrages entre un quasi-relégué de première division et un semi-promu du second échelon ont parsemé de leur existence le championnat de France de football. Parfois disputés sur terrain neutre (comme en 1953), ou bien dans une formule baroque de poule à quatre (comme celle de 1968, achevée en…juillet), ces barrages ont connu leur splendeur du temps de la D2 à deux groupes entre 1979 et 1993.

Ils prirent alors la forme d’un véritable marathon, qui semble avoir inspiré les géniteurs de l’actuelle formule de type playoffs. L’aspirant de deuxième division devait enjamber pas moins de cinq obstacles d’une difficulté croissante. Un premier tour mettait aux prises les deuxièmes et troisièmes de groupes, sur le terrain du mieux classé. Le prébarrage en aller-retour départageait le vainqueur de ces deux rencontres et désignait l’adversaire du dix-huitième de D1, également sur deux matchs. L’« avantage du terrain » au retour était semble-t-il désigné par le sort.

Après avoir laissé au voisin mulhousien le privilège de se casser les dents durant la seconde moitié des années 1980, le Racing Club de Strasbourg s’est largement rattrapé en devenant l’un des principaux protagonistes de ces matchs de muerte, ultime planche de salut pour l’un des cancres de l’élite ou consolante à fort enjeu pour les équipes ayant dû se contenter d’un accessit en D2.

La renaissance des barrages coïncidant avec le retour du Racing en deuxième division a ravivé le souvenir – s’il était nécessaire de le ranimer – du mythique barrage contre Rennes en mai 1992. Le scénario à couper le souffle, l’affluence rarement atteinte et évidemment le succès épique l’ont emporté dans la mémoire collective sur l’enchaînement de déceptions et de revers, allant même jusqu’à la débandade la plus absolue, qui s’étaient succédés sur les trois printemps précédents.

Avant d’obtenir sa montée, le RCS a servi de punching-ball à Brest, Nice puis Lens. Trois revers à l’extérieur, ce qui laisse penser que la carte maîtresse de Rennes 92 était au moins autant le cadre grandiose de la Meinau que la personnalité stimulante de l’entraîneur d’alors, Gilbert Gress. Strasbourg fut en effet incapable d’emporter un succès à l’extérieur sur toute la période 1989-1992, si l’on excepte la victoire qualificative à Nungesser en 1990 obtenue après prolongation.

Et tes larmes retenir


Replaçons-nous dans le contexte de ce barrage 1989. Michael Chang a dupé Lendl d’un service à la cuillère à Roland-Garros, tandis que l’armée chinoise n’y est pas allée avec le dos de celle-ci pour mater le mouvement de Tiananmen. L’ayatollah Khomeiny disparaît. Autre moment de bascule, avec les premières élections semi-ouvertes au sein du bloc communiste, en Pologne.

Côté football, le Brest Armorique a échoué à un point de Mulhouse et doit se contenter des barrages. Les Bretons ont fait la différence à Francis-le-Blé face au Havre (4-1) puis à l’aller contre Nîmes (3-0), avant de résister dans le Gard. Le nez de Roberto Cabañas et René Girard ont tous deux vu rouge.

En CF1, Strasbourg est en rade, la faute au sursaut époustouflant de Caen. Englué dans un profond marasme que n’arrangent pas de nombreuses controverses – l’affaire du « sac à merde », le nul à Chypre, la rapide démission de Bez, les dérogations accordées à la tête du client pour transférer des joueurs… –, le football français doit en outre gérer le sort du futur-ex Matra Racing. Après le désengagement de Lagardère, on s’interroge sur l’avenir d’un club qui battait déjà sérieusement de l’aile au point de frôler la relégation.

Les instances brillant comme de coutume par leur sens de l’anticipation, elles laissent prospérer d’audacieuses théories et Daniel Hechter n’est pas le dernier à s’engouffrer dans la brèche. Le couturier a passé la fin de saison à militer pour la rétrogradation du RC Paris, dont la viabilité sans Matra est inexistante. A quelques heures du barrage aller contre Brest, Hechter agite la menace d’un forfait strasbourgeois. Ne doutant de rien, il plaidera une fois la défaite sportive entérinée pour une fusion entre les Racing de Lens et de Paris qui aurait pour effet de repêcher celui de Strasbourg…

Dans cet autre Finistère

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Pita vs. Le Guen

Dans cette atmosphère incertaine, le Racing a au moins le mérite de poursuivre sa politique tarifaire adéquate du printemps, si bien que 17.757 spectateurs garnissent la Meinau le 6 juin. Pris par surprise comme d’autres 45 ans plus tôt, José Cobos est semé par Ronan Salaün, lequel adresse un centre en retrait imparable à Cabañas, le buteur masqué. 0-1.

Sur un exploit personnel (frappe en pleine lucarne), Fabrice Mège égalise avant la mi-temps. Strasbourg tente sa chance de loin : cela passe de peu au-dessus pour Pita, c’est la bonne pour Stéphane Plancque des vingt mètres au retour des vestiaires. Les actions strasbourgeoises n’ont pas le temps de prospérer longtemps : l'impayable Maurice Bouquet enterre les chances du Racing, sans fleurs, ni couronnes (2-2).

Le Racing doit marquer en Bretagne, toutefois c’est un milieu renforcé qu’aligne Gérard Banide, avec Vincent Cobos à la place de Pita. Bade remplace un José Cobos décevant à l’aller. Vêtus de leur livrée grise, les Alsaciens proposent une nouvelle prestation fantomatique à l’extérieur et laissent des Brestois plus déterminés sur la double confrontation accéder à l’élite. Après un long déboulé, le capitaine Paul Le Guen adresse un caviar à l’impitoyable Cabañas, qui ne se prive pas de monter aux grillages.


Un manque de moelle et de liant, couplé à une imagination en berne : ce revers (1-0) est un condensé de cette catastrophique saison 1988-1989, marquée par la déception Pita et le décès accidentel de Vincent Sattler.

Pour Daniel Hechter, le coup est rude. Rebâti avec l’aide d’une municipalité conciliante – si ce n'est complaisante –, son Racing aux accents clinquants est au final apparu aussi solide qu’un château de sable du lac Achard. Il ne faut d’ailleurs pas attendre la fin du mois de juin pour que soit évoquée la perspective d’une société d’économie mixte, instrument d’une reprise en main municipale...

kitl

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