Saison 2023/2024
Racing Club de Strasbourg

7 novembre 1979 : RCS - Dukla Prague

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Souvenir/anecdote
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Par schlesier
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En route vers les 1/4 de finale de la Coupe d'Europe des Clubs Champions 1979-80 après un match resté dans les annales face aux Tchécoslovaques du Dukla Prague.

Nous sommes la veille d'un huitième de finale retour de Coupe d'Europe des Clubs Champions, la grande coupe d'Europe. Léonard Specht, pilier de la défense du Racing Club de Strasbourg, se repasse en boucle dans son esprit, et à son corps défendant, les images d'un match aller perdu d'une courte tête à Prague, ne trouvant le sommeil qu'à minuit bien tassé. Dans la même chambre, sur le lit d'à côté, Michel Decastel dort comme un bien heureux, comme à son habitude...

Léo Specht a beau être l'un des derniers endormis, c'est aussi l'un des premiers levés avec Carlos Bianchi, pour un petit déjeuner plein de quiétude. Mais une fois ce moment de sérénité matinale passé, la journée s'annonce longue avant ce match tant attendu... Les journaux sont épluchés. Ensuite, le plein d'essence en Allemagne est moins cher et autorise une petite balade en voiture, avant une partie de billard avec "Django" Marx qui gagne à chaque fois son duel avec Léo sur ce petit rectangle vert. Puis, vient le déjeuner. Menu sportif, bien entendu.

Alors, le match... il est encore loin. Il faut passer l'après-midi. L'entraîneur Gilbert Gress ne veut pas entendre parler de match à la TV... Qu'à cela ne tienne, ces véritables mordus que sont les joueurs pros passent outre et ingurgitent coup sur coup Hambourg-Tbilissi puis Bucarest-Nantes.

17h45 : Gilbert Gress bat le rappel de ses troupes pour l'immuable conférence d'avant match, là où, dit-on, se gagne ou se perd un match. Léonard Specht est plein d'admiration. "Parfois, je me demande s'il n'est pas un peu devin; il avait attaqué en nous recommandant bien de savoir attendre, de ne pas partir la fleur au fusil. L'idéal serait de marquer en fin de match et de réussir un deuxième but pendant la prolongation..."

Les joueurs se rendent ensuite au stade avec leur propre voiture, pas en bus comme c'est le cas aujourd'hui, surtout pour un match aussi important. Léo prend sa voiture, Jean-Jacques Marx monte avec lui. Et tous deux voient comme une apparition se dérouler devant leurs yeux... quelque chose de magique...

"La Meinau était en folie. Il y a avait une ambiance fantastique. On sentait les gens tout proches de nous. Rien à voir avec le championnat. Dans les vestiaires, je les entendais chanter. J'en avais des frissons. Nos gestes n'étaient guère différents de ceux que nous faisions habituellement avant les matches de championnat, mais, pourtant, chacun de nous avait un peu plus de mal à respirer. J'ai même tâtonné un peu pour mettre mes verres de contact. Au fait, vous ne savez peut-être pas qu'il existe dans l'équipe un joueur encore plus myope que moi et, je n'arrive jamais à y croire, ne porte pas le moindre verre. C'est... Carlos Bianchi lui-même."

Les fauves sont lâchés. Mais après une demie-heure les Tchèques font toujours front, pas impressionnés par la fournaise de La Meinau ni par la peur d'être éliminé. L'immense gardien Praguois Netolicka fait son boulot tranquillement sur des frappes sans grands dangers de Piasecki, Tanter et Deutschmann. Pourtant, la fin de la première mi-temps révèle une chose et elle est de taille : les Strasbourgeois sont terriblement décidés, ils sont dans le rythme, celui très spécial de la coupe d'Europe, si difficile à acquérir, celui de l'exploit...

En ce soir là, Gilbert Gress comprend que ses hommes ont en eux l'esprit de la victoire, une volonté incommensurable. Il le dit à Léonard Specht et à ses coéquipiers : "Continuez ainsi! Ne prenez pas de risques en défense et bougez en attaque !" Jacky Novi veut sortir, blessé? La réponse de Gress est directe : c'est non. Vaille que vaille.

Après le tour de chauffe, les Bleus d'Alsace doivent maintenant mettre le feu à ce match et aller chercher leur trésor. Place à la deuxième mi-temps de tous les rêves Alsaciens. Léonard Specht : "Nous sommes repartis avec une volonté fantastique. Chaque ballon semblait être de l'or qu'il nous fallait à tout prix gagner. L'avant-centre que je marquais jouait plutôt comme un milieu défensif, alors je me retrouvais souvent devant, souvent à l'aile droite. Comme je suis essentiellement gaucher, j'étais un peu gêné et j'ai changé de Tchèque avec Decastel. A chaque minute nous étions un peu plus dangereux. Au bout d'une heure, Carlos a remplacé Tanter, et immédiatement Dukla a eu une occasion que Gajdusek a manquée.

Il devait encore avoir la tête dans les mains quand Carlos a remisé pour Piasecki qui a marqué. J'étais à peine quelques mètres derrière lui. Je me suis jeté sur lui avec la meute de tous les autres, je crois bien qu'on a failli le blesser. J'étais certain qu'on allait ajouter un second but tout de suite. J'ai même cru que c'était moi qui le marquerai quand j'ai placé une bonne tête que cette araignée de Netolicka est allée chercher. On les pressait, on les poussait mais... rien. Et, à la fin du temps réglementaire, tout restait à faire."

Les deux équipes sont épuisées. Pas l'arbitre qui ne veut pas perdre son temps... Sept minutes de récupération seulement... Gilbert Gress, qui ne veut pas être pris au dépourvu, désigne déjà ses tireurs de penalties, au cas où : "Carlos (Bianchi) en numéro 1, Francis (Piasecki) en 2, Raymond (Domenech) en 3, Marx en 4, Léon (Specht) en 5..." Et Léonard qui reprend : "Il avait un peu hésité sur mon nom et, pendant la prolongation, je n'ai pas cessé de penser à ce penalty. Comment vais-je le tirer? A droite, à gauche? En force, en finesse? Je ne pensais qu'à ça, et j'ai bien dû changer dix fois de manière.

Pendant ce temps, nous dominions et, soudain, à deux minutes de la fin, Decastel a marqué. Je n'y croyais plus, je ne pensais qu'à mon penalty. Alors, je suis tombé sur les genoux à l'endroit même où j'étais. C'était une sensation fantastique. Je m'étais tellement donné... Je savais que c'était le match le plus important de ma vie, le plus important de toute l'équipe, de notre public aussi. Je ne sais pas combien de temps je suis resté ainsi à genoux, les bras en l'air. Et lorsque le jeu a repris, les Tchèques n'avaient plus de force. En auraient-ils eue que cela n'aurait rien changé. Personne n'aurait pu nous prendre notre victoire.

Les embrassades, la liesse, les journalistes, la douche, tout a ensuite été très vite pour moi. Mes frères étaient à la maison, j'étais pressé. Peut-être aussi avais-je une certaine envie de savourer mon bonheur loin de la foule. A une heure du matin, j'étais au lit. Mais les images étaient trop fortes. Je ne me suis endormi que lorsque le jour se leva..."

L'Alsace n'allait pas non plus trouver le sommeil cette nuit là. Un rêve était devenu réalité, s''inscrivant dans toutes les têtes, en lettre de feu : Le Racing Club de Strasbourg est quart de finaliste de la Coupe d'Europe des Clubs Champions!

schlesier

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