Saison 2023/2024
Racing Club de Strasbourg

Dans le rétro : Giora Spiegel

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97 matches, 23 buts. Mieux que Rômulo donc.

Ancien joueur du Racing et de Lyon, Giora Spiegel est une légende du football israélien. Retour sur son parcours, avec une attention particulière sur son passage strasbourgeois.

Giora Spiegel (1) peut s'enorgueillir d'avoir été l'un des tous premiers joueurs étrangers à revêtir le brassard de capitaine du Racing, peut-être même le premier à bénéficier de ce statut de façon permanente. C'était durant sa dernière saison au club, en 1975/1976, quand l'Israélien faisait figure de grand frère, un des seuls joueurs expérimentés au sein d'une équipe qui comptait nombre de jeunes appelés, plus tard, à devenir champions de France. Pourtant, le nom de cet élégant meneur de jeu revient assez peu lorsqu'on évoque les stars étrangères ayant marqué le club. Et même si l'on pense à un joueur israélien du Racing il probable que l'esprit se fixera d'abord sur Isaac Peretz, plus frais dans les mémoires. Pourtant, Spiegel a été le véritable patron de l'équipe trois années durant, une période durant laquelle le Racing finira tout de même à deux reprises dans la première moitié du classement, en 1974 et 1975. Giora Spiegel méritait donc bien un coup de projecteur à quelques jours du match contre son autre ancien club français.

Star en Israël


Giora Spiegel est né à Petah Tikva, une ville moyenne situé à l'est de Tel-Aviv, à mi-chemin de la Cisjordanie, en 1947 dans ce qui était encore la Palestine mandataire. Son père, Eliezer y évoluait au Maccabi - un terme synonyme d'héroïsme dans la tradition juive et fréquemment repris en matière sportive comme une sorte d'équivalent à notre « olympique ». Eliezer Spiegel fut même une des vedette de l'équipe nationale de l'Etat nouvellement créé avant de se tourner vers une carrière d'entraîneur. Giora fait donc partie de la catégorie des « fils de » qui ont marché sur les traces de leur père mais aussi de la caste, bien plus fermée, de ceux qui ont fait mieux que le paternel, subitement devenu « père de ». Giora détient en effet aujourd'hui encore le record de la plus longue carrière en équipe nationale d'Israël – près de 15 ans, de 1965 à 1980 – à côté de ses nombreux titres en club.

Sa carrière débute au Maccabi Tel Aviv au milieu des années 1960. A cette époque, le grand club de la capitale est en difficulté, n'ayant plus gagné le championnat depuis 1958. Un affront pour cette institution qui détient le record de titres nationaux (22 à ce jour). Pour remédier à cette situation, les dirigeants décident de miser sur la jeune génération où l'on retrouve bon nombre de joueurs qui ont remporté le championnat d'Asie junior en 1964 et 1965. Parmi ceux là figure bien évidemment Giora Spiegel qui fait même ses débuts avec les A israéliens à seulement 18 ans ! Sous son impulsion, le Maccabi retrouve rapidement le succès et décroche le titre en 1968 puis l'épreuve reine continentale en 1969. Une autre coupe des champions asiatique suivra (1971) ainsi que deux titres de champion (1970, 1972) et une coupe (1970).

Avec l'équipe nationale, Spiegel connaîtra également une période riche puisque le onze israélien se qualifie pour les jeux Olympiques, une compétition alors encore réservée aux amateurs (2). A Mexico, Spiegel et ses partenaires parviendront jusqu'en quarts de finale, éliminés par la Bulgarie après un match nul (1-1) dans le temps réglementaire. Mais le grand exploit du football israélien à cette époque reste la participation à la coupe du monde 1970, toujours au Mexique. Dans une zone Asie-Océanie tronquée – sept équipes seulement participent – les joueurs de l'Etat hébreu écartent successivement la Nouvelle-Zélande et l'Australie pour décrocher ce qui reste à ce jour leur seule qualification pour la phase finale. Il feront bonne figure au Mexique puisqu'ils obtiennent le nul face à la Suède et à l'Italie, future finaliste, et cèdent seulement face à l'Uruguay. Un véritable exploit à une époque où le football mondial est encore dominé de la tête et des épaules par les Européens et les Sud-Américains.

Ces exploits sur la scène internationale font évidemment beaucoup pour la renommée du football israélien qui attire pour la première fois l'attention des recruteurs des grands clubs pros d'Europe. C'est donc très logiquement qu'en 1973 Giora Spiegel souhaite à son tour se lancer dans le grand bain du professionnalisme après ses coéquipiers de l'équipe nationale Shmuel Rosenthal (Borussia Mönchengladbach) et Mordechai Spiegler (Paris FC puis PSG). Le Maccabi ne l'entend cependant pas de cette oreille et Spiegel devra même se mettre en grève pour obtenir son transfert vers l'Europe et Strasbourg !

Spiegel au Racing


Au moment de l'arrivée de Spiegel cela fait déjà quelques années que le Racing, est, comme les autres clubs de D1, très dépendant du rendement de ses joueurs étrangers. Le football français traverse alors sa période la plus noire, ne parvenant à se qualifier pour aucune épreuve majeure entre 1968 et 1978. Régulièrement humiliés par leurs homologues allemands, italiens ou anglais, les clubs de l'Hexagone doivent chercher ailleurs un talent, offensif notamment, qui est sévèrement contingenté. Le joueur étranger est alors l'objet de toute les attentions, celui qui doit apporter le plus, la vraie star de l'équipe. Au Racing ce seront d'abord des Argentins qui mèneront la danse (Ramon Muller, José Farias, Ruben Munoz) avant l'arrivée du buteur allemand Wolfgang Kaniber puis du grand Ivica Osim. La saison 1972-1973 sera véritablement plombée par les problèmes d'étrangers puisque Reinhard Libuda, recruté à la place d'Osim, est rapidement indisponible en raison de déboires extra-sportifs tandis que le néerlandais Heinz van Haaren choisit de raccrocher en fin de saison. Pour remplacer ces deux gros transferts de la saison précédente, le président Philippe Fass et le directeur sportif Robert Domergue choisissent de miser sur des joueurs aux noms moins ronflants mais très réputés dans leurs pays : le capitaine du Hadjuk Split, Ivan Hlevnjak, et donc Giora Spiegel.

L'homologation du transfert de Spiegel sera un peu longue à venir et le joueur n'entre en action qu'à la onzième journée alors que le Racing est déjà mal en point au classement. L'impact sera immédiat puisque le nouvel attaquant marque un but lors de chacun de ses quatre premiers matches. Le Racing en revanche se porte toujours aussi mal et enchaîne les défaites en championnat, provoquant le limogeage de Casimir Novotarski, remplacé par Robert Domergue. Une des première décisions du nouvel entraîneur est de faire reculer Spiegel sur le terrain à la faveur d'un remaniement tactique qui voit le jeune (19 ans) Léonard Specht, sans doute encore un peu tendre, sortir de l'équipe. Et ça marche : rapidement la défense du Racing se stabilise tandis que Spiegel reste dangereux sur des frappes de loin. Grâce à sa technique supérieure et à son sens du placement, l'Israélien peut commander l'équipe depuis le l'entre-jeu tout en continuant à marquer. Le Racing remonte progressivement au classement pour se classer finalement huitième, un bon résultat pour une équipe remontée de D2 il y a seulement deux ans. Giora Spiegel termine avec neuf buts, dont deux penalties.

La saison suivante voit l'arrivée au club d'Hendrikus Hollink, entraîneur hollandais qui amène à Strasbourg certains éléments du football total. Les joueurs du Racing pratiquent désormais plus souvent la défense en ligne – conception chère à Domergue - et le hors-jeu, une véritable révolution tactique dans un club longtemps dominé par la figure tutélaire de Paul Frantz. Le football total à la sauce Hollink nécessite également une polyvalence accrue. Quelques années avant Gilbert Gress, les attaquants doivent déjà intervertir leurs positions en cours de match et les défenseurs sont invités à apporter leur écot offensif. Giora Spiegel est désormais carrément positionné libéro, poste où sa vision du jeu est très précieuse au côté d'un stoppeur plus conventionnel, Maurice Serrus. L'Israélien ne cesse cependant pas de marquer en étant notamment très dangereux sur coup de pied arrêté. Il réalise sa saison la plus accomplie (37 matches, 10 buts) à tel point qu'il suscite l'intérêt du grand Ajax d'Amsterdam, qui est prêt à mettre deux millions de francs – somme énorme pour l'époque - sur la table. Philippe Fass convainc néanmoins son joueur de rester et celui-ci resigne pour deux ans.

Ce ne sera hélas pas le cas des autres cadres de l'équipe, notamment le capitaine Gilbert Gress qui part à l'improviste à Neuchâtel sur fond de conflit avec les dirigeants. Le Racing attaque la saison avec un effectif très juste, composé pour l'essentiel de jeunes joueurs peu expérimentés. La disette offensive pousse Hollink à faire remonter Spiegel au milieu de terrain mais c'est désormais la défense qui prend l'eau. Après le recrutement problématique de Paul Moukila, le Racing parvient enfin, en novembre, à se trouver un numéro 10 en la personne de Bernd Lehmann. L'ancien de Duisbourg vient relayer Spiegel à ce poste mais c'est désormais l'attaque qui pose problème puisque Gérard Tonnel est en conflit avec le staff tandis que le polonais Andrzej Jarosik déçoit. Giora Spiegel termine donc buteur une saison qu'il a commencée libéro, une preuve s'il en était besoin de la grande polyvalence de ce joueur capable d'occuper toutes les positions dans l'axe du terrain. Trop seul, il ne pourra empêcher la relégation du Racing en fin de saison et quitte le club pour l'Olympique lyonnais, où il jouera encore deux saison avant de rentrer en Israël. La trentaine bien passée, il permettra encore à son club du Maccabi Tel Aviv de décrocher un nouveau titre et honorera même quelques capes en équipe nationale.

Entraîneur à succès


A peine sa carrière de joueur terminée, Giora Spiegel se tourne vers le banc de touche et prend en main les destinées du club de sa ville natale, le Maccabi Petah Tikva avec lequel il obtient la promotion dans l'élite avant d'être remplacé par Avraham Grant. Après un court passage au Maccabi Tel Aviv, on le retrouve au petit club de Bnei Yehuda, dans la banlieue de Tel-Aviv, qu'il emmène du bord de la zone de relégation jusqu'au titre de champion en 1990. Suivra une période brillante à la tête du Maccabi Haïfa (1993-1998) marquée par un nouveau titre de champion, deux coupes et un huitième de finale de Coupe des Coupes contre Parme. Dès cette époque, son nom revient fréquemment pour devenir sélectionneur de l'équipe nationale mais ses relations orageuses avec certains hiérarques du football israélien l'empêcheront toujours d'obtenir le poste, à son grand désespoir. Après quelques passages dans des petits clubs, Spiegel quitte le banc de touche pour devenir, selon l'air du temps, directeur sportif, conseiller ou manager. Il a notamment joué un rôle dans la venue, finalement avortée, de Rolland Courbis au Maccabi Tel-Aviv (2006) puis dans celle de Luis Fernandez au Beitar Jérusalem, dont il devient lui-même manager général quelques temps plus tard. Avec un attaquant nommé Rômulo Marques Antonelli, le Beitar décroche en 2007/2008 un doublé coupe-championnat, dernière ligne au palmarès de Spiegel. La route de l'élégant meneur de jeu a, au passage, bien failli croiser celle du Racing puisqu'un match amical face au Beitar sera un temps programmé à l'été 2008 avant d'être annulé, peut-être à cause de la position de plus en plus précaire de Spiegel chez les jaunes et noirs – il finira d'ailleurs par démissionner en août 2008.

Aujourd'hui retraité du monde du football, Giora Spiegel porte un regard acide sur celui-ci avec notamment des propos que ne renieraient pas certains supporters... du Racing : « Le Maccabi Tel Aviv est devenu comme le Beitar Jerusalem, et voila comment un club avec un vaste public est dirigé par des consultants dont il devient dépendant. Ces oligarques sont des gens stupides qui ne comprennent rien à la bonne gestion. Aujourd'hui, ils sont au Maccabi et demain ils s'envoleront ailleurs.» (3) Des déclarations d'une actualité saisissante au moment où le Racing voit débarquer Luc Dayan et son équipe d'intérimaires.

Footnotes


(1) Comme toutes les langues employant un autre alphabet, l'hebreu se prête difficilement à la retranscription. En France, la graphie « Gyora Spiegel » semble avoir été courante dans les années 1970, dans les journaux sportifs notamment. On trouve également « Giora Shpigel » sur certains sites mais « Giora Spiegel » est bien plus courant.

(2) A l'image de l'équipe de France qui, en 1968, ne comportait que des amateurs, dont Freddy Zix. Ce n'était pas vraiment le cas des pays du bloc de l'Est ou d'Israël qui envoyaient les meilleurs joueurs de leurs championnats respectifs, certes pas officiellement professionnels mais tout de même largement subventionnés par le ministère des sports.

(3) Notre traduction. « Maccabi Tel Aviv went the way of Beitar Jerusalem, and that's how a big club in Israel, with a broad fan base, is managed by and dependent on consultants. Those oligarchs are stupid people who don't understand a thing about proper management. Today they're with Maccabi and tomorrow they'll fly off somewhere else », (source).

Sources et références


Le Livre d'or du Racing club de Strasbourg, d'Armand Zuchner (1977), pp. 282-322.
Racing 100 ans, de Pierre Perny (2006), pp. 241-245.
« The world is their oyster », article de Uzi Dann dans Haaretz du 12 juillet 2009.
[lien=http://www.haaretz.com/hasen/spages/1128744.html]« Giora Spiegel is done coaching, but he's not done »[/lien], article de Moshe Boker dans Haaretz du 18 novembre 2009.
Collections du Jerusalem Post depuis 1988.
Giora Shpigel, sur le site jewsinsports.org.
Foot, Rock and Rouflaquettes : Gyora Spiegel sur The Vintage Football Club.

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