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- Par jpdarky, zottel
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La barbe, à la fin, que ces sempiternels articles satiriques ! Bon Dieu mais finissons-en, tirons dans le tas !
(NDLR : cet article fait partie d'une série d'articles au ton décalé et résolument second degré. A lire avec précaution et humour !)
Oui, tirons, tirons de cette masse turbulente qui se presse à la Meinau quelques témoins hauts en couleur. Qu'est ce que les supporters pensent de Luzenac ?
Sans eux, les auteurs l'avouent, ils seraient malheureux comme le journaliste sans son expert-consultant, comme le parasite sans son mourant, comme un manouche sans guitare, comme un ouragan qui passait sur moi, comme un avion sans aile, comme le Mont sans Michel ou bien sûr comme Milan sans Remo.
Et puis, il faut dire les choses comme elles sont ; les auteurs n'en peuvent plus. Après Fréjus, Alfortville, là c'est Luzenac. Alors Luzenac, voilà, on ne sait pas où c'est, ils sont surement très gentils, mais ici nous n'avons plus la force.
C'est un premier supporter que nous apercevons. Tout de beauté sauvage, de force éperdue, de panache membré, de démesure bretteuse, il s'avance d'un pas souple, mais vif, qui n'autorise aucune contestation. La musculature fait saillie sous le bomber noir, dont elle se dispute l'espace avec le Bierbüch. Une poignée de main nous apprend que l'homme s'appelle Ken. Si nous brûlons de demander des nouvelles de Barbie, nous nous en tenons, comme elle, à l'attitude la plus professionnelle que nous connaissons, "Sois belle et tais toi".
Pourriez-vous nous renseigner, jeune loup ? Non, on est là monsieur, derrière vous, là.
Ken (de dos, dans un mégaphone) : Nous sommes étonnés de l'ampleur que peut prendre la mobilisation, pas tant quantitativement certes, mais rapport aux zozos improbables que ça ramène. Plusieurs passions, les mêmes couleurs ! Vous voulez une bière ?
D'accord, très bien, n'hésitez pas à vous retourner pour nous répondre, et on comprend très bien, pas besoin d'hurler dans votre Jean Oui. Ce match, vous le sentez comment, au niveau du vécu ?
Ken (de dos, dans un porte-voix) : Il faut tout de même savoir que je ne vois pas les matchs du Racing depuis un bon lustre, rapport à ma situation perchée sur la rambarde face à l'océan turbulent et puissant des forces vives du Racing Club de Strasbourg, je veux bien sûr parler des fiers filles et fils de Strasbourg qui portent haut les couleurs du phare footballistique régional et municipal dans le coeur du Temple qu'est le Stade de la Meinau, le quart-de-virage Nord-Ouest tout ça. Fiers enfants de Strasbourg dont les chants, telles des vagues incessantes, irrésolues et comme qui dirait impétueuses, submergent le stade et la pelouse d'une ferveur et d'un soutien sans faille érodant le courage de nos piteux adversaires que néanmoins nous respectons dans l'esprit sportif qui nous caractérise. A part quelques jaunes sur la gauche là, un peu vers le milieu en remontant (il crache par terre). Vous voulez une baffe ?
J'ai tout noté, merci, et sinon, Luzenac, ça vous fait peur ? Ça vous dit quelque chose ? C'est où d'abord ? Vous voulez une loupe ?
Ken (définitivement à l'envers, susurrant dans son Veka 45W qui a tout connu) : Luzenac est située dans l'Ariège, elle exploite des mines de talc. Mais je ne les verrai pas plus que je ne verrai les nôtres jouer ce soir, comme je vous l'ai déjà exposé précédemment, à partir de là, je dois vous avouer que leur identité, leurs caractéristiques ainsi que leurs footballeurs éventuels ne me fascinent guère.
C'est le Racing qui compte. Le Racing, c'est nous. Enfin... nous sauf ceux qui sont un peu là au dessus comme je vous le faisais remarquer tantôt (il re-crache par terre), donc le vrai Racing, ça va. Mais le Racing dépecé, le Racing vidé de sa substance et balloté d'avocats véreux en Bisounours joufflu téléguidé et trader à la petite semaine, lui il va mal... Au point où en est, ce qu'il faut à la tête du Racing, ce sont les Alsaciens. Enfin je crois. Allez Racing.
Conquis, nous poursuivons. Pas longtemps. L'homme que nous croisons est cagoulé. C'est en fait "Childéric, travailleur manuel, né à Niederoberbirenbach" (il peine notablement à le prononcer). Chose encore plus rare, il affirme être UB depuis 1980. Le courant passe immédiatement.
Avez-vous lu Byron, jeune éphèbe ?
Childéric : Byron ? Pas du tout, mais je connais tout Lagaffe... Le match du Racing ? Je connais aussi. Le Racing est un produit d'avenir, la session de ce soir pourrait lui permettre de s'ajuster sur ce marché compétitif qu'ils appellent "football". Je veux dire, que vous appelez "football". Car vous êtes le meilleur public de France. Et moi avec vous. Donc "nous". Enfin, je suis très excité quoi, j'ai pas avalé un Monster Munch depuis trois heures, la crise ! (rires)
Si je vais au stade ? Le bâtiment, là ? Non mais attendez, je ne suis quand même pas maçon. Enfin si vous voulez mon avis, il faut tout raser et refaire. C'est pas si sorcier, j'ai téléchargé des plans sur le net, gratos, vachement beaux... j'ai baptisé le projet "le Palais Idéal du Facteur Childéric" (les yeux brillants). J'en ai parlé dans les hautes sphères, ils m'ont même donné des cailloux ! En-thou-siastes, un peu plus et ils me pétaient le pare-brise ! Enfin, j'ai commencé un joli petit muret, c'est un début. Mais quoi qu'il en soit, stade ou pas, je peux vous garantir que je suis tous les matchs sur mon portable, je lis tout, photos, compte-rendus, et même je lis le feuilleton du championnat sur les Cahiers du Football, car j'aime aussi le rire huh-huh intellectuel et spirituel avec des morceaux triviaux dedans pour faire sucré-salé, je suis incorrigible !
Cet adversaire, là, c'est quelque chose. Je sais comme tout le monde qu'ils ont gagné leur troisième étoile il y a peu. Si si, tapez Luz-Ardinen sur Google ! De toute façon je peux le savoir, j'ai racheté l'usine de talc du coin... je crois. Vous savez, des fois on achète un peu sans savoir. C'est comme sur Ebay quoi... On paye 6M€ d'avance, et puis à l'arrivée c'est tout pourri (rires). Notez que ça marche dans l'autre sens.
L'avenir du Racing ? C'est amusant car des images du passé me viennent à l'esprit. Ces soirées où mon grand-père me faisait sauter sur ses genoux - un grand supporter, paix à ses cendres (il incline la tête et se recueille un instant) OK, j'y suis, let's go baby. Alors vous savez ce qu'il me disait le mec avec les genoux ?
" Je crois que les supporters sont manipulés, Monsieur mon Petit-Fils. Pardonne-leurs ! Il faudrait qu'on leurs rende le club, qui est un peu à eux. Il est un peu aux Alsaciens. Allez hop, moyennant 5,34M hors TVA. "
Émus par la démonstration de tant de sagesse, nous restons interdits. Il y a comme un grand vide, un vide tel que même la souffrance du client millionnaire des établissements Madoff nous semble plus familière.
C'est alors que nous la voyons ! Cette pauvre poignée de main gisait oubliée, en chemin, par deux amis fâchés a mort. Nous la recueillons sans remords et reprenons la route, avec l'intention de faire circuler la virile effusion. Le récipiendaire est un vieil homme. De son visage naguère beau, ce sont les yeux qui nous saisissent le plus; ils nous dardent en un défi aux outrages du temps...
Il n'était pas revenu là depuis que les deux amis sont fâchés à mort.
Depuis 2009 ? 1994 ?
Le vieil homme : Mais non... Mensch' send die bleeed ! Depuis 1979 ! Enfin c'est n'importe quoi maintenant, toutes les passions, toutes les couleurs, pff... Vous voulez du schnaps ?
Nan je vais plus aux matches. Y a plus de match. De toute façon ces footballeurs modernes maintenant c'est que des traîne-savates bien trop payés, ils vont plus au charbon, c'est des fillettes avec des comptes bancaires d'électriciens. Vous avez vécu 1979 J'ai honte pour vous ! Vous pas ? Allez, hop, soyez chics... J'aime bien quand vous avez honte les jeunes, c'est bon pour ma tension.
Nan mais j'irai pas au match, c'est tout, fichez moi la paix ! C'est où en plus, encore à Neudorf ? Luzenac ? Du talc, où ça ? Haaa oui, le Sud, je voulais y aller pour ma retraite, mais ma femme elle voulait pas, elle me disait toujours "Yo Alphonse ! Ils sont pas comme nous dans le Sundgau, on comprend rien à ce qu'ils y disent, et ils friment avec leurs tracteurs toujours clinquants". Enfin, des trucs du genre. Du coup je connais rien au sud, même pas Luzenac.
L'avenir du Racing ? Le présent, peut être, je peux essayer, enfin le Racing c'est n'importe quoi. Depuis que c'est des Hasebock qui ont pris le club, le club il est mort. Un tennisman en plus ! Oh Mensch... Ce qu'il faut c'est des Alsaciens, ça je le dis toujours. Ou alors (il réfléchit beaucoup)... des Allemands. Enfin, pas Pina Bausch ou Schopenhauer, des Allemands normaux quoi (rires), avec une plume sur le chapeau.
L'ambiance est fraîche.... Car aujourd'hui, c'est saugrenu, sans être louche, on ne peut pas serrer la main des inconnus. On est tombé bien bas, bien bas. Le vieil homme en convient avec nous et nous serre la main pour marquer son accord.
Il s'éloigne que déjà nous croyons apercevoir, au loin, les armes de l'Olympique de Marseille. Nous nous approchons à vive allure, prêt au choc. Fausse alerte ! Il n'y a là que du bleu ciel et du blanc du meilleur goût, comme dans une publicité Cajoline. Plusieurs couleurs, une seule passion... L'homme attend un mot de passe.
Sésame ouvre toi ? :
1, rue Sésame ?
Le manège enchanté !
Tournez manège !!
Monsieur X : Pfff, mais non, c'est "Carroussel vaincra ". De toute façon, je vois bien que vous n'êtes pas le mec des contacts par mail intensifiés.
Nous ne maîtrisons pas les codes, l'échange est donc bref. Nous gagnons des sites plus familiers.
L'homme a les yeux injectés de sang et de savoirs douteux, tétés sous Google Images. Il semble dangereux, mais la lumière du jour le fait reculer ; une créature du net, un fauve de réseau qui lolise et pratique la mdrie comme personne... Son maillot du Racing, que recouvre une épaisseur de miettes, est-il enfilé à la hâte sur un pyjama Star Wars ? On pourrait le parier sans risque ! Nous entreprenons de le vérifier. "Enlever un habit ? Je fais comment, c'est comme vider mon cache ?", dit-il, incrédule.
J.P.D.a.r.k.y., password Blourg, Vous voulez une blagounette ?
DarkVador67 : Luzenac-cent aïgu ! Purée, ça va être excellent ce soir (+). Mon pronostic pour le match ? 2-0. Oui, je vais le voir, j'ai trouvé un lien, le live de la section pari sportifs de Poland Telekom. C'est du 256 couleurs en 8 bit double trame, j'ai du mettre les IRQ à 12, mais quand on a la passion hein... Vous voulez l'url?
L'adversaire ? Faut le respecter. Alors Luzenac est une commune française, située dans le département de l'Ariège. Il y a plein de talc. Non, je ne vois pas pourquoi Wikipedia ça serait de la triche. J'ai quand même eu 18 à mon TPE. Purée, j'ai la rage tiens ! (il se calme en un éclair) Oups
pardon. L'adversaire, alors bon... J'aime bien leur avant-centre, il a des notes (+) dans Football Manager 2011. Associé à mon 10 moldavo-ruthène, ça fait 65 buts/saison en moyenne, vous voulez le code ?
L'avenir ? Je pense que bon, voilà, on fait quoi maintenant ? J'ai bien un ami de ma liste qui lit l'avenir dans les entrailles de Figolu, il est trop fort au concours pronostics. Mais à part lui... Le mieux, c'est de ne plus en parler. Ça ne sert à rien. Si ? Bon alors, à mon avis, je crois qu'il faudrait des Alsaciens. Et puis j'ai vu le sondage, c'est clair, tout le monde est d'accord ! Y a que 34 glands qui ont voté non ! (lol, xpldr)
Nous sommes enchantés de l'échange, malheureusement, son téléphone se met à clignoter, et soudain sa batterie défuncte en disant "adieu", dans la langue de R2-D2. Notre interlocuteur pousse un long râle et disparaît dans une odeur de silicium brûlé. La Toussaint, Halloween, c'est décidément la saison où tout tombe.
Arrivés à ce point, à un cheveu de la lassitude, il nous faut du sensationnel. Les gens ont fait cercle autour d'un humanoïde, non loin de là, c'est notre homme ! Il faut dire qu'il est presque difforme, ou plutôt d'une maigreur extrême. Il semble tout droit rescapé de ces régions épargnées par les maladies cardio-vasculaires. L'impression se confirme quand nous approchons, saisis par une odeur mêlée de croûte de fromage et d'oignon doux. Le bougre a amené sa pitance ! C'est au point que l'air semble devenir liquide à mesure que nous approchons.
Nous luttons et continuons à progresser, les yeux mi-clos et trébuchons sur quelque chose qui n'est pas un reste de soucoupe volante. C'est une sorte de chien jaunâtre. Il s'appelle Edelweiss à prononcer " Edelvaisse ", comme nous l'apprendrons plus tard.
Puis soudain, sans que rien ne le laisse présager, le Visiteur se met à parler.
ET : C'est ici la Meino ?
La... comment ? Non, certainement pas. La cathédrale c'est là. L'Allemagne c'est cher. La gare c'est pas fait pour les chiens. Vous voulez quoi au juste, étranger ?
ET (l'air ennuyé) : Mince alors... On m'avait dit " La ville ? Tout droit ". Depuis longtemps, j'en rêvais, de la ville et de ses secrets, du formica et du ciné. Vous savez, ce match ce n'est pas rien pour nous à Luzenac. Tout le monde ne parle que de ça ! J'ai même une brebis qui a fait une fausse couche quand ils l'ont annoncé sur Radio Bouse&Bruyère. Ma Elsa... elle a du mal à encaisser depuis... (son regard se brouille)
Luzenac ? Vous vous intéressez à Luzenac ? (il s'adoucit soudain) Alors là... par quoi commencer ? C'est ma terre, mon pays, ma chair. Vous savez qu'on a des mines de talc ? Je dis ça parce que ça intéresse toujours les étrangers. Le fromage, ça ne prend pas, par exemple. Mais le talc, le talc, il n'y en a que pour le talc... enfin, ne rêvez pas trop, jamais un vrai Luzenacien ne vous dira où sont les bons coins à talc. Je peux juste vous donnez quelques trucs... on est tous un peu géologues au pays... (il réfléchit un moment) Alors voilà, le talc doit être mat mais avec de légers reflets, comme ça. Il doit être bien sûr pulvérulent et happer la langue, en produisant le goût d'une crème fleurette de quatre jours. Enfin, je dis ça ! Notez que c'est surtout valable pour les filons de l'oligo-miocène, le pliocène a aussi ses irréductibles...
Non mais dites donc, si vous en avez rien à f...e faut le dire !! Vous ne notez rien, vous croyez que je ne vous vois pas ? Vous me prenez pour un plouc ?! Va donc, hé ! Vous n'aviez qu'à la gagner la guerre les fridolins, Ausweis bitte, Arbeit disziplin, fous foulez du à l'ail ?!
(nous déployons des trésors de diplomatie pour ramener le débat sur de meilleures bases)
Bon OK, excusez. J'ai le sang chaud. Votre Racing ? Oui je connais un peu, forcément. Ça ne va pas fort en ce moment, c'est ça ? Ce n'est pas normal, vous allez décollez, un gros club comme ça, c'est un accident. Je suis sûr que ça ira mieux quand un riche de par chez vous aura racheté... Bayer, ou Mercedes, qui sait ? Allez, vous savez que chez nous, ce n'est pas toujours la ville rose non plus... Luzenac avait été racheté par des traders il y a peu, et ces gars-là ne faisaient que des exactions... mais ça y est ! C'est fini ! J'en ai moi-même dégommé deux avec des munitions pour les ours... (il rit comme un enfant) Ça fait des trous gros comme le tunnel du Puymorens ! (il écarte les bras à la largeur du tunnel de Puymorens) Je n'avais pas fait un carton pareil depuis la fille du recensement ! Enfin, je ne veux pas vous ennuyer avec ça, ce sont des histoires de petit club. Allez, que le meilleur gagne ! Je pronostique 2-2, mais je suis nul ! Eh, vous savez quoi ? Je vous aime bien quand même, si vous voulez je vous prends sur la CB, on se reparle, n'hésitez pas ! Vous voulez la fréquence ?
Nous devisons ainsi jusque tard dans la nuit. Étonnamment, l'homme est un fin connaisseur de littérature britannique. Il finit par avouer en riant que son père est né dans les beaux quartiers de Kingston ! La discussion se prolonge, dans des nappes de synthé de lounge music ; les membres les moins français de notre petite délégation de racingstub.com sont sous le charme. Ce qui n'est pas rien. C'est l'amour. Allez Luzenac, allez le Racing, allez en paix amis lecteurs !
(Article coécrit par jpdarky et zottel)
Oui, tirons, tirons de cette masse turbulente qui se presse à la Meinau quelques témoins hauts en couleur. Qu'est ce que les supporters pensent de Luzenac ?
Sans eux, les auteurs l'avouent, ils seraient malheureux comme le journaliste sans son expert-consultant, comme le parasite sans son mourant, comme un manouche sans guitare, comme un ouragan qui passait sur moi, comme un avion sans aile, comme le Mont sans Michel ou bien sûr comme Milan sans Remo.
Et puis, il faut dire les choses comme elles sont ; les auteurs n'en peuvent plus. Après Fréjus, Alfortville, là c'est Luzenac. Alors Luzenac, voilà, on ne sait pas où c'est, ils sont surement très gentils, mais ici nous n'avons plus la force.
Ultraman
C'est un premier supporter que nous apercevons. Tout de beauté sauvage, de force éperdue, de panache membré, de démesure bretteuse, il s'avance d'un pas souple, mais vif, qui n'autorise aucune contestation. La musculature fait saillie sous le bomber noir, dont elle se dispute l'espace avec le Bierbüch. Une poignée de main nous apprend que l'homme s'appelle Ken. Si nous brûlons de demander des nouvelles de Barbie, nous nous en tenons, comme elle, à l'attitude la plus professionnelle que nous connaissons, "Sois belle et tais toi".
Pourriez-vous nous renseigner, jeune loup ? Non, on est là monsieur, derrière vous, là.
Ken (de dos, dans un mégaphone) : Nous sommes étonnés de l'ampleur que peut prendre la mobilisation, pas tant quantitativement certes, mais rapport aux zozos improbables que ça ramène. Plusieurs passions, les mêmes couleurs ! Vous voulez une bière ?
D'accord, très bien, n'hésitez pas à vous retourner pour nous répondre, et on comprend très bien, pas besoin d'hurler dans votre Jean Oui. Ce match, vous le sentez comment, au niveau du vécu ?
Ken (de dos, dans un porte-voix) : Il faut tout de même savoir que je ne vois pas les matchs du Racing depuis un bon lustre, rapport à ma situation perchée sur la rambarde face à l'océan turbulent et puissant des forces vives du Racing Club de Strasbourg, je veux bien sûr parler des fiers filles et fils de Strasbourg qui portent haut les couleurs du phare footballistique régional et municipal dans le coeur du Temple qu'est le Stade de la Meinau, le quart-de-virage Nord-Ouest tout ça. Fiers enfants de Strasbourg dont les chants, telles des vagues incessantes, irrésolues et comme qui dirait impétueuses, submergent le stade et la pelouse d'une ferveur et d'un soutien sans faille érodant le courage de nos piteux adversaires que néanmoins nous respectons dans l'esprit sportif qui nous caractérise. A part quelques jaunes sur la gauche là, un peu vers le milieu en remontant (il crache par terre). Vous voulez une baffe ?
J'ai tout noté, merci, et sinon, Luzenac, ça vous fait peur ? Ça vous dit quelque chose ? C'est où d'abord ? Vous voulez une loupe ?
Ken (définitivement à l'envers, susurrant dans son Veka 45W qui a tout connu) : Luzenac est située dans l'Ariège, elle exploite des mines de talc. Mais je ne les verrai pas plus que je ne verrai les nôtres jouer ce soir, comme je vous l'ai déjà exposé précédemment, à partir de là, je dois vous avouer que leur identité, leurs caractéristiques ainsi que leurs footballeurs éventuels ne me fascinent guère.
C'est le Racing qui compte. Le Racing, c'est nous. Enfin... nous sauf ceux qui sont un peu là au dessus comme je vous le faisais remarquer tantôt (il re-crache par terre), donc le vrai Racing, ça va. Mais le Racing dépecé, le Racing vidé de sa substance et balloté d'avocats véreux en Bisounours joufflu téléguidé et trader à la petite semaine, lui il va mal... Au point où en est, ce qu'il faut à la tête du Racing, ce sont les Alsaciens. Enfin je crois. Allez Racing.
Je suis pas avare
Conquis, nous poursuivons. Pas longtemps. L'homme que nous croisons est cagoulé. C'est en fait "Childéric, travailleur manuel, né à Niederoberbirenbach" (il peine notablement à le prononcer). Chose encore plus rare, il affirme être UB depuis 1980. Le courant passe immédiatement.
Avez-vous lu Byron, jeune éphèbe ?
Childéric : Byron ? Pas du tout, mais je connais tout Lagaffe... Le match du Racing ? Je connais aussi. Le Racing est un produit d'avenir, la session de ce soir pourrait lui permettre de s'ajuster sur ce marché compétitif qu'ils appellent "football". Je veux dire, que vous appelez "football". Car vous êtes le meilleur public de France. Et moi avec vous. Donc "nous". Enfin, je suis très excité quoi, j'ai pas avalé un Monster Munch depuis trois heures, la crise ! (rires)
Si je vais au stade ? Le bâtiment, là ? Non mais attendez, je ne suis quand même pas maçon. Enfin si vous voulez mon avis, il faut tout raser et refaire. C'est pas si sorcier, j'ai téléchargé des plans sur le net, gratos, vachement beaux... j'ai baptisé le projet "le Palais Idéal du Facteur Childéric" (les yeux brillants). J'en ai parlé dans les hautes sphères, ils m'ont même donné des cailloux ! En-thou-siastes, un peu plus et ils me pétaient le pare-brise ! Enfin, j'ai commencé un joli petit muret, c'est un début. Mais quoi qu'il en soit, stade ou pas, je peux vous garantir que je suis tous les matchs sur mon portable, je lis tout, photos, compte-rendus, et même je lis le feuilleton du championnat sur les Cahiers du Football, car j'aime aussi le rire huh-huh intellectuel et spirituel avec des morceaux triviaux dedans pour faire sucré-salé, je suis incorrigible !
Cet adversaire, là, c'est quelque chose. Je sais comme tout le monde qu'ils ont gagné leur troisième étoile il y a peu. Si si, tapez Luz-Ardinen sur Google ! De toute façon je peux le savoir, j'ai racheté l'usine de talc du coin... je crois. Vous savez, des fois on achète un peu sans savoir. C'est comme sur Ebay quoi... On paye 6M€ d'avance, et puis à l'arrivée c'est tout pourri (rires). Notez que ça marche dans l'autre sens.
L'avenir du Racing ? C'est amusant car des images du passé me viennent à l'esprit. Ces soirées où mon grand-père me faisait sauter sur ses genoux - un grand supporter, paix à ses cendres (il incline la tête et se recueille un instant) OK, j'y suis, let's go baby. Alors vous savez ce qu'il me disait le mec avec les genoux ?
" Je crois que les supporters sont manipulés, Monsieur mon Petit-Fils. Pardonne-leurs ! Il faudrait qu'on leurs rende le club, qui est un peu à eux. Il est un peu aux Alsaciens. Allez hop, moyennant 5,34M hors TVA. "
Émus par la démonstration de tant de sagesse, nous restons interdits. Il y a comme un grand vide, un vide tel que même la souffrance du client millionnaire des établissements Madoff nous semble plus familière.
Auprès de mon arbre
C'est alors que nous la voyons ! Cette pauvre poignée de main gisait oubliée, en chemin, par deux amis fâchés a mort. Nous la recueillons sans remords et reprenons la route, avec l'intention de faire circuler la virile effusion. Le récipiendaire est un vieil homme. De son visage naguère beau, ce sont les yeux qui nous saisissent le plus; ils nous dardent en un défi aux outrages du temps...
Il n'était pas revenu là depuis que les deux amis sont fâchés à mort.
Depuis 2009 ? 1994 ?
Le vieil homme : Mais non... Mensch' send die bleeed ! Depuis 1979 ! Enfin c'est n'importe quoi maintenant, toutes les passions, toutes les couleurs, pff... Vous voulez du schnaps ?
Nan je vais plus aux matches. Y a plus de match. De toute façon ces footballeurs modernes maintenant c'est que des traîne-savates bien trop payés, ils vont plus au charbon, c'est des fillettes avec des comptes bancaires d'électriciens. Vous avez vécu 1979 J'ai honte pour vous ! Vous pas ? Allez, hop, soyez chics... J'aime bien quand vous avez honte les jeunes, c'est bon pour ma tension.
Nan mais j'irai pas au match, c'est tout, fichez moi la paix ! C'est où en plus, encore à Neudorf ? Luzenac ? Du talc, où ça ? Haaa oui, le Sud, je voulais y aller pour ma retraite, mais ma femme elle voulait pas, elle me disait toujours "Yo Alphonse ! Ils sont pas comme nous dans le Sundgau, on comprend rien à ce qu'ils y disent, et ils friment avec leurs tracteurs toujours clinquants". Enfin, des trucs du genre. Du coup je connais rien au sud, même pas Luzenac.
L'avenir du Racing ? Le présent, peut être, je peux essayer, enfin le Racing c'est n'importe quoi. Depuis que c'est des Hasebock qui ont pris le club, le club il est mort. Un tennisman en plus ! Oh Mensch... Ce qu'il faut c'est des Alsaciens, ça je le dis toujours. Ou alors (il réfléchit beaucoup)... des Allemands. Enfin, pas Pina Bausch ou Schopenhauer, des Allemands normaux quoi (rires), avec une plume sur le chapeau.
L'ambiance est fraîche.... Car aujourd'hui, c'est saugrenu, sans être louche, on ne peut pas serrer la main des inconnus. On est tombé bien bas, bien bas. Le vieil homme en convient avec nous et nous serre la main pour marquer son accord.
Un grand coeur tout bleu
Il s'éloigne que déjà nous croyons apercevoir, au loin, les armes de l'Olympique de Marseille. Nous nous approchons à vive allure, prêt au choc. Fausse alerte ! Il n'y a là que du bleu ciel et du blanc du meilleur goût, comme dans une publicité Cajoline. Plusieurs couleurs, une seule passion... L'homme attend un mot de passe.
Sésame ouvre toi ? :
1, rue Sésame ?
Le manège enchanté !
Tournez manège !!
Monsieur X : Pfff, mais non, c'est "Carroussel vaincra ". De toute façon, je vois bien que vous n'êtes pas le mec des contacts par mail intensifiés.
Nous ne maîtrisons pas les codes, l'échange est donc bref. Nous gagnons des sites plus familiers.
Extra Meinau Veritas
L'homme a les yeux injectés de sang et de savoirs douteux, tétés sous Google Images. Il semble dangereux, mais la lumière du jour le fait reculer ; une créature du net, un fauve de réseau qui lolise et pratique la mdrie comme personne... Son maillot du Racing, que recouvre une épaisseur de miettes, est-il enfilé à la hâte sur un pyjama Star Wars ? On pourrait le parier sans risque ! Nous entreprenons de le vérifier. "Enlever un habit ? Je fais comment, c'est comme vider mon cache ?", dit-il, incrédule.
J.P.D.a.r.k.y., password Blourg, Vous voulez une blagounette ?
DarkVador67 : Luzenac-cent aïgu ! Purée, ça va être excellent ce soir (+). Mon pronostic pour le match ? 2-0. Oui, je vais le voir, j'ai trouvé un lien, le live de la section pari sportifs de Poland Telekom. C'est du 256 couleurs en 8 bit double trame, j'ai du mettre les IRQ à 12, mais quand on a la passion hein... Vous voulez l'url?
L'adversaire ? Faut le respecter. Alors Luzenac est une commune française, située dans le département de l'Ariège. Il y a plein de talc. Non, je ne vois pas pourquoi Wikipedia ça serait de la triche. J'ai quand même eu 18 à mon TPE. Purée, j'ai la rage tiens ! (il se calme en un éclair) Oups
pardon. L'adversaire, alors bon... J'aime bien leur avant-centre, il a des notes (+) dans Football Manager 2011. Associé à mon 10 moldavo-ruthène, ça fait 65 buts/saison en moyenne, vous voulez le code ?L'avenir ? Je pense que bon, voilà, on fait quoi maintenant ? J'ai bien un ami de ma liste qui lit l'avenir dans les entrailles de Figolu, il est trop fort au concours pronostics. Mais à part lui... Le mieux, c'est de ne plus en parler. Ça ne sert à rien. Si ? Bon alors, à mon avis, je crois qu'il faudrait des Alsaciens. Et puis j'ai vu le sondage, c'est clair, tout le monde est d'accord ! Y a que 34 glands qui ont voté non ! (lol, xpldr)
Nous sommes enchantés de l'échange, malheureusement, son téléphone se met à clignoter, et soudain sa batterie défuncte en disant "adieu", dans la langue de R2-D2. Notre interlocuteur pousse un long râle et disparaît dans une odeur de silicium brûlé. La Toussaint, Halloween, c'est décidément la saison où tout tombe.
Pouvoir encore regarder, Et surtout pouvoir chanter, Que c'est beau, c'est beau la vie !
Arrivés à ce point, à un cheveu de la lassitude, il nous faut du sensationnel. Les gens ont fait cercle autour d'un humanoïde, non loin de là, c'est notre homme ! Il faut dire qu'il est presque difforme, ou plutôt d'une maigreur extrême. Il semble tout droit rescapé de ces régions épargnées par les maladies cardio-vasculaires. L'impression se confirme quand nous approchons, saisis par une odeur mêlée de croûte de fromage et d'oignon doux. Le bougre a amené sa pitance ! C'est au point que l'air semble devenir liquide à mesure que nous approchons.
Nous luttons et continuons à progresser, les yeux mi-clos et trébuchons sur quelque chose qui n'est pas un reste de soucoupe volante. C'est une sorte de chien jaunâtre. Il s'appelle Edelweiss à prononcer " Edelvaisse ", comme nous l'apprendrons plus tard.
Puis soudain, sans que rien ne le laisse présager, le Visiteur se met à parler.
ET : C'est ici la Meino ?
La... comment ? Non, certainement pas. La cathédrale c'est là. L'Allemagne c'est cher. La gare c'est pas fait pour les chiens. Vous voulez quoi au juste, étranger ?
ET (l'air ennuyé) : Mince alors... On m'avait dit " La ville ? Tout droit ". Depuis longtemps, j'en rêvais, de la ville et de ses secrets, du formica et du ciné. Vous savez, ce match ce n'est pas rien pour nous à Luzenac. Tout le monde ne parle que de ça ! J'ai même une brebis qui a fait une fausse couche quand ils l'ont annoncé sur Radio Bouse&Bruyère. Ma Elsa... elle a du mal à encaisser depuis... (son regard se brouille)
Luzenac ? Vous vous intéressez à Luzenac ? (il s'adoucit soudain) Alors là... par quoi commencer ? C'est ma terre, mon pays, ma chair. Vous savez qu'on a des mines de talc ? Je dis ça parce que ça intéresse toujours les étrangers. Le fromage, ça ne prend pas, par exemple. Mais le talc, le talc, il n'y en a que pour le talc... enfin, ne rêvez pas trop, jamais un vrai Luzenacien ne vous dira où sont les bons coins à talc. Je peux juste vous donnez quelques trucs... on est tous un peu géologues au pays... (il réfléchit un moment) Alors voilà, le talc doit être mat mais avec de légers reflets, comme ça. Il doit être bien sûr pulvérulent et happer la langue, en produisant le goût d'une crème fleurette de quatre jours. Enfin, je dis ça ! Notez que c'est surtout valable pour les filons de l'oligo-miocène, le pliocène a aussi ses irréductibles...
Non mais dites donc, si vous en avez rien à f...e faut le dire !! Vous ne notez rien, vous croyez que je ne vous vois pas ? Vous me prenez pour un plouc ?! Va donc, hé ! Vous n'aviez qu'à la gagner la guerre les fridolins, Ausweis bitte, Arbeit disziplin, fous foulez du à l'ail ?!
(nous déployons des trésors de diplomatie pour ramener le débat sur de meilleures bases)
Bon OK, excusez. J'ai le sang chaud. Votre Racing ? Oui je connais un peu, forcément. Ça ne va pas fort en ce moment, c'est ça ? Ce n'est pas normal, vous allez décollez, un gros club comme ça, c'est un accident. Je suis sûr que ça ira mieux quand un riche de par chez vous aura racheté... Bayer, ou Mercedes, qui sait ? Allez, vous savez que chez nous, ce n'est pas toujours la ville rose non plus... Luzenac avait été racheté par des traders il y a peu, et ces gars-là ne faisaient que des exactions... mais ça y est ! C'est fini ! J'en ai moi-même dégommé deux avec des munitions pour les ours... (il rit comme un enfant) Ça fait des trous gros comme le tunnel du Puymorens ! (il écarte les bras à la largeur du tunnel de Puymorens) Je n'avais pas fait un carton pareil depuis la fille du recensement ! Enfin, je ne veux pas vous ennuyer avec ça, ce sont des histoires de petit club. Allez, que le meilleur gagne ! Je pronostique 2-2, mais je suis nul ! Eh, vous savez quoi ? Je vous aime bien quand même, si vous voulez je vous prends sur la CB, on se reparle, n'hésitez pas ! Vous voulez la fréquence ?
Nous devisons ainsi jusque tard dans la nuit. Étonnamment, l'homme est un fin connaisseur de littérature britannique. Il finit par avouer en riant que son père est né dans les beaux quartiers de Kingston ! La discussion se prolonge, dans des nappes de synthé de lounge music ; les membres les moins français de notre petite délégation de racingstub.com sont sous le charme. Ce qui n'est pas rien. C'est l'amour. Allez Luzenac, allez le Racing, allez en paix amis lecteurs !
(Article coécrit par jpdarky et zottel)
