Face à son destin

La renaissance du fleuron du football alsacien, qui commença à Forbach, et qui s’est poursuivie par des batailles mémorables à Epinal, Colmar ou Grenoble, peut en arriver à son dénouement dans une antre qui, 24 ans auparavant, jour pour jour, avait déjà vibré comme un seul homme.

Le grand soir ?

Les braises sont encore chaudes, le volcan est de nouveau prêt à entrer en ébullition. Une semaine après avoir sèchement battu le CA Bastia et n’être pas passé loin de la montée officielle (elle l’était pendant quelques minutes) dans une folle ambiance, le RCS a une nouvelle possibilité de fêter cette accession historique à domicile. La donne est cette fois plus simple et il n’y aura nulle besoin (ou presque) de se tenir au courant de l’évolution du score des concurrents.

Une défaite d’Orléans à Luçon (20h), qui joue ses dernières chances de montée, enverrait quoi qu’il arrive les coéquipiers d’Ernest Seka en Ligue 2. Sinon, il suffira de ne pas perdre pour atteindre le firmament. Le titre de champion pourrait aussi être officiel en cas de victoire conjuguée à un nul ou une défaite de Marseille Consolat face à Béziers.

Mais l’essentiel est pour l’instant ailleurs, et l’essentiel est de valider cette montée dès ce soir pour éviter d’attendre 15 jours et un déplacement à Belfort pour enfin confirmer ce que tous les supporters attendent : le Racing va retrouver le monde professionnel.

Amiens, histoires croisés

Face aux Strasbourgeois, il y aura peut-être l’adversaire le plus redoutable à affronter à ce moment-là du championnat. Les Picards qui sont 4ème à un point du podium jouent un match encore plus crucial que nos Bleus pour leur montée. Après leur victoire étriquée de la semaine passée face à Epinal (4-3), les Amiénois en sont à 9 matchs consécutifs sans défaite et il faut remonter à début février pour trouver la trace d’une défaite de l’ASC à l’extérieur (à Boulogne). Il y aura fort à faire face à une équipe qui est donc très à l’aise loin de ses bases (2ème équipe du championnat) avec un parcours notamment marqué par des éclats à Luçon et Marseille (3-0 et 2-0).

Le match aller est également un motif d’inquiétude avant d’affronter cette formation qui brille par sa faculté à contrer quand il le faut. Pour le dernier match de l’année 2015, le Racing s’était incliné 2-0 au Stade de la Licorne clôturant une série de trois défaites consécutives. Le style de jeu des Strasbourgeois avait alors parfaitement convenu à une équipe possédant des attaquants rapides parmi lesquels Jonathan Tinhan, auteur de 12 buts cette saison. Emmanuel Bourgaud (ex-Colmar) sera également à surveiller (6 buts, 6 passes décisives) notamment pour sa qualité de passe qui s’avère souvent décisive sur coups de pieds arrêtés. L’ancien gardien strasbourgeois Régis Gurtner est aussi une valeur sûre de ce championnat.

Ce match décisif face à Amiens est un joli clin d’œil de l’Histoire. En effet, depuis les années 2000, les Bleus auront souvent été au coude à coude avec les Samariens dans des moments cruciaux. Il y a bien sûr eu la finale de la Coupe de France 2001 remportée aux tirs au but, mais aussi des campagnes pour monter : la course pour l’accession en Ligue 1 a tourné à l’avantage du Racing en 2007 alors que celle pour sortir (déjà) du National en 2011 a scellé le sort d’un club strasbourgeois qui a du tout reconstruire ensuite, pour en arriver au match de ce soir.

Le RCS devra à coup sûr faire une grosse prestation face à une équipe difficile à manœuvrer et qui jouera un match déterminant pour son avenir. De plus, le Racing aura eu du mal cette saison à s’imposer face aux équipes actuellement dans le top 7 (1 victoire sur 10 matches). Mais qui de mieux qu’un club de la région Hauts-de-France pour retrouver les sommets ?

La parole à la défense

Alors que ne pas prendre de but suffira à faire le bonheur de toute une région, les bleus peuvent s’appuyer sur une défense intraitable qui aura fini 20 matchs avec sa cage inviolée sur les 31 disputés ! Cette solidité est forcément l’œuvre de tout un collectif même si on peut souligner la bonne forme d’Alexandre Oukidja, qui aura ce soir peut être plus de travail qu’à l’accoutumée.

Le secteur offensif a quant à lui retrouver de l’allant il y a une semaine sous l’impulsion d’un Stéphane Bahoken autour d’un doublé et dont l’abattage est enfin récompensé. La suspension de Dimitri Liénard, impliqué sur les trois buts face aux Corses, sera en revanche forcément préjudiciable pour une équipe qui aura eu du mal toute la saison à pratiquer un football attrayant. Abdelhak Belhameur est en pôle pour le remplacer dans une équipe qui devrait donc être pratiquement entièrement reconduite.

Dans un deuxième match couperet consécutif, il faudra surement faire preuve d’un grand mental face à un adversaire redoutable. L’expérience de son coach et de ses cadres sont assurément un avantage pour une équipe qui devra peut-être gérer des dernières minutes suffocantes, mais pour cela elle pourra aussi faire avec l’appui de son public venu en nombre.

Le premier jour du reste de ta vie

Les six années passées au niveau amateur auront marqué au fer rouge un club jusque-là habitué à jouer dans la cour des grands. Il sera maintenant inscrit dans l’ADN du Racing qu’il est revenu de l’enfer. Partout où il ira, il emmènera avec lui cette étiquette de ressuscité. La performance est encore plus belle qu’elle est le fruit d’une construction collective où tout un peuple s’est réuni autour d’hommes qui seront dorénavant des symboles (François et Marc Keller, David Ledy et Jacky Duguépéroux pour ne citer que les plus marquants).

La Meinau, pleine en seulement 3 jours pour ce match au sommet, peut vivre une soirée qui restera gravée dans les mémoires de chacun. Alors que le club touche du bout des doigts son objectif d’accession, il aura comme atout cette dynamique avant d’aborder un monde professionnel qui lui a tant manqué, et il pourra alors pourquoi pas rêver plus grand …

De plus, en s’adjugeant le titre de champion, notre club peut devenir le premier de l’histoire de l’hexagone (voir d’au-delà) à avoir remporté les 5 premières divisons de son pays. Cela ferait de lui un club encore plus unique : il l’était pour ses supporters, il le sera maintenant pour tout le football français.

La saison aura été longue et exténuante, mais la joie au bout n’en sera que plus grande. Ce soir, dans une fournaise, le Racing peut renaître de ses cendres. Et la cigogne aura pour toujours des allures de phénix.