Saison 2023/2024
Racing Club de Strasbourg

Dans le rétro : (collection) printemps - été 1986

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Souvenir/anecdote
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Par kitl
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Jean Willaume (à droite), en compagnie d'André Bord.

Disposant d’un effectif finalisé dès le mois de mai, Francis Piasecki semble bien outillé pour la remontée. Mais une atmosphère pesante se propage des bureaux de la Meinau : à peine installé, le nouveau comité de gestion est confronté à la candidature de Daniel Hechter.

Résumé de l'épisode précédent : En dépit d’une fin de saison honorable, le Racing voit sa relégation actée. Les premiers mois de Piasecki sur le banc ont convaincu la présidence de prolonger son bail, l’Obernois d’adoption ayant pris goût au métier d’entraîneur. Enfin, le club s’est attaché les services de Six et Reichert, destinés à relancer une attaque souffreteuse la saison précédente.

Seulement sept ans après son unique titre de champion de France, le Racing Club de Strasbourg retrouve la deuxième division, qu’il avait laissée pour la dernière fois au printemps 1977. Ses séjours y sont rares – pas plus d’une saison – mais néanmoins relativement fréquents. Comme en 1971-72 et 1976-77, il lui faudra terminer premier de son groupe pour s’assurer la montée, ou bien compter sur un parcours homérique en barrages d’accession. Des barrages fatals au challenger haut-rhinois, début mai 1986, sous des trombes d’eau : le FCM ne peut rattraper le débours concédé à l’aller à Nancy (0-3 ; 2-0). Encore plus cruel pour les Mulhousiens : ils sont tenus de disputer la coupe de la Ligue (dite également coupe d’été, voire « coupe Banania » pour Raymond Domenech) tout au long du mois de mai.

Gaston Defferre décède le 7 mai, en ayant davantage préparé l’avenir de l’OM que sa succession à la mairie de Marseille. Quelques jours plus tard, on marque les cinq ans de l’élection de François Mitterrand dans une société plus « clivée » que jamais (relevez le néologisme qu’Alain Duhamel n’emploie pas encore dans sa chronique dominicale pour les DNA). La condamnation de la gestion par les autorités soviétiques de l’accident de Tchernobyl fait toutefois consensus. Les informations regorgent de « points radioactivité » – ils se feront bien plus rares après le début de la Coupe du monde au Mexique. Le village de Fessenheim devança la tendance : début mai, on y discutait davantage de la dernière finale de Coupe de France que de Tchernobyl.

Le succès (3-0) du Dynamo Kiev en Coupe des Coupes contre l’Atletico Madrid alimente l’inquiétude quant au niveau de l’équipe nationale d’URSS, future adversaire de la France. On disserte sur l’éclatante santé des hommes de Lobanovski à l’heure où les potagers alsaciens sont menacés de contamination. Pour faire bonne figure, le préfet du Haut-Rhin déclare « manger de la salade tous les jours ». Cela ne calme pas les hôteliers, confrontés à une perte vertigineuse de nuitées par rapport au printemps précédent.

Au Racing, les vacances sont studieuses et empreintes de nostalgie. Albert Gemmrich effectue en effet un nouveau retour au club, dans des fonctions de recruteur-formateur, chargé de faire le lien entre l’équipe première et la réserve. Il vise la fameuse place de major du stage des entraîneurs (qui lui sera finalement subtilisée par Dominique Baratelli). Le RCS enregistre d’autre part l’arrivée de Thierry Gudimard, attaquant axial d’Alès, chaudement recommandé par les Languedociens Novi et Vergnes. Pour compléter la défense, si François Bracci (35 ans) se propose, Francis Piasecki jette son dévolu sur le Brestois Pascal Gousset, préféré finalement à un autre joueur d’Alès, Frédéric Zago. Le recrutement est donc achevé avant le début du Mundial, même si Rémy Vogel a des envies d’ailleurs.

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(photo DNA du 23.06.1986, avec une jolie coquille)

Le Racing version 1985-86 dispute encore un match amical baroque à la mi-mai, à Florange contre le FC Metz, à l’initiative d’un sponsor des Grenats. Quelques temps auparavant s’est tenue l’assemblée générale du Racing omnisport, réunissant les « pros » du football et de pittoresques sections amateurs comme le Racing arts martiaux. Des dispositions essentiellement techniques ont été discutées, telles que la modification des statuts ou l’accueil d’envoyés du conseil municipal de Strasbourg comme membres de droit. Robert Grossmann et Roland Ries font notamment partie du lot.

Alors que le gouvernement annonce, début juin, la suppression à venir de la taxe sur les magnétoscopes et la privatisation de TF1, une autre sorte de cohabitation guette le RC Strasbourg. Jean Willaume annonce en effet le retour du « cabinet Léopold » au sein du comité de gestion, ce qui ressemble fort à une émancipation vis-à-vis d’André Bord. MM. Maechler, Kappeler, Koenig et Wiltberger avaient successivement démissionné au début de la présidence Bord, notamment en réaction au licenciement de Gilbert Gress. Avec ces quatre hommes, piliers de la restructuration du RCS en 1976, le président Willaume fait du neuf avec du vieux et souhaite ouvrir un cycle aussi vertueux que dix ans auparavant. Retiré à Romans-sur-Isère, Alain Léopold a assuré ses fidèles de son soutien, mais ne souhaite plus s’impliquer.
Parallèlement, on apprend qu’un déficit de 12 millions de francs – nouveaux – pèse sur les finances du Racing. Cela correspond d’ailleurs de façon assez cocasse au montant versé par la municipalité au titre de sa subvention annuelle, que Marcel Rudloff vient de confirmer pour l’avenir mais en faisant comprendre qu’il s’agissait d’une somme maximale.

Le maire de Strasbourg n’a que modérément participé au débat sur l’injection de saumures dans le sous-sol alsacien. Le combat est essentiellement mené par le député RPR du Haut-Rhin Pierre Weisenhorn, contre cette solution entérinée par une convention de 1978, ayant pour objectif de dépolluer le Rhin. L’accord international est finalement enterré.
Au Mexique, toute la délégation française attend le premier but de Michel Platini alors que se préfigure un huitième de finale à risque contre l’Italie. Dans les Dernières Nouvelles de Haguenau, Léonard Specht confie sa déception à Michel Kapfer, mais sa non-sélection « n’a rien de comparable avec celle de 1982 ».

Le dimanche 15 juin, le quotidien régional vend la mèche tout en réalisant un habile coup commercial : les DNA titrent « La rumeur Hechter » en réservant de plus amples développements pour l’édition de lundi. On apprend finalement qu’André Bord a rencontré le couturier au dernier tournoi de Roland Garros. On peut y voir une tentative de l’ancien ministre de reprendre la main, lui qui vient d’être marginalisé et tenu à l’écart de la section foot. Alors que tout le monde ne jure que plus par Bernard Tapie et Jean-Luc Lagardère, dont les arrivées bouleversent le train-train du football français, Daniel Hechter a pour avantage d’avoir déjà géré un club par le passé. Il souhaite convaincre la Ville de Strasbourg de multiplier sa subvention par trois ou quatre, lui-même se chargeant de par sa notoriété d’attirer un certain nombre de sponsors.

Le grand couturier arrive à Strasbourg dès le lendemain, pour des prises de contacts et une étude de la situation. Naturellement le comité en place voit d’un très mauvais œil cette irruption, n’étant prêt à accueillir Hechter uniquement comme sponsor. La mairie ne sait pas sur quel pied danser, nous sommes partis pour un été riche en communiqués de presse.
Le président Willaume s’appuie sur les statuts adoptés en mai, qui interdisent l’arrivée au pouvoir d’hommes étrangers au club. Or il transparaît nettement que Daniel Hechter brigue une présidence exécutive.

L’ancien président du PSG mène rapidement une première entrevue avec la presse alsacienne. Il y détaille sa passion du football (« Le football est ma drogue, et je le connais bien, très bien »). Il espère apporter sa « crédibilité », dégager de nouvelles recettes et lance de but en blanc l’idée d’un partenariat avec l’autre Racing, celui de Bossis, Fernandez et Littbarski (matérialisé à travers des « prêts de joueurs » ou le partage de leur « large réseau d’informateurs »).

Parallèlement, le 19 juin, jour heureux dans le vieux stade des JO de Mexico et tragique sur la Côte d’Azur, les affaires sportives reprennent au Racing. Francis Piasecki, à qui on prêtait un différend avec Hechter du temps du PSG, dément toute brouille, tout comme l’impétrant. La reprise de l’entraînement prend la forme d’un cross en forêt. Un stage est programmé à Besenfeld en Forêt-Noire puis le mois de juillet sera garni de six rencontres de la prestigieuse coupe de la Ligue, contre les voisins de Metz, Nancy et Reims, qui auront fonction de matchs de préparation. Piasecki compte sur 15 pros et 6 stagiaires, parmi lesquels Etamé, Mazerand et le licencié en droit Traoré, tous vainqueurs de la Coupe d’Alsace 1986 et du championnat de D4. Christophe Niesser et Philippe Schuth sont pour leur part retenus au bataillon de Joinville dans le cadre de leur service militaire.

Dans les bureaux de la rue de l’Extenwoerth, coup de théâtre. Ce n’est une surprise pour personne, le comité de gestion dit non à Hechter, lequel affirme rester en lice. Lors d’une phase de temporisation, Paul Giegel, délégué de la société Capri-Loisirs et incorporé au comité de gestion en charge des sponsors (sa société apparaissait sur le maillot blanc du RCS en 1985-86), jette un pavé dans la mare en annonçant que sa société réfléchissait à prendre le contrôle d’un petit club de la région, les SR Colmar. Il projette d’en faire un club filiale, soit du Racing, soit du FCM…

Au Mexique, la France achève son parcours à la troisième place, à l’issue d’un succès face à la Belgique. Une intense émotion pour Albert Rust, qui fêta sa première cape, tandis que Bernard Genghini fit sa seule apparition du tournoi. Les deux Haut-Rhinois suivent de loin le centenaire de la statue de la Liberté, qui mobilise bon nombre de Colmariens. Ils découvriront à leur retour dans l’Hexagone les premiers développements de l’affaire du Carrefour du développement. Tandis que le secrétariat d’Etat aux rapatriés lance un « plan harki », en Alsace, l’accord de coopération décentralisée entre le grand voisin du Bade-Wurtemberg et Rhône-Alpes fait grincer des dents.

Le Racing, resté lui fidèle aux contreforts du Schwarzwald, est de retour pour la coupe d’été. Les débuts sont délicats : défaite 1-0 à Reims, puis 2-0 contre Metz. Le climat houleux joue certainement sur le moral des troupes, alors que Daniel Hechter repart à l’offensive : « Je viens si le comité de gestion démissionne » (11 juillet 1986). Ledit comité, qui n’a que deux mois d’existence, ne bronche pas. Plutôt, si : Jean Willaume annonce l’exclusion de Paul Giegel, dont on apprend le rôle équivoque dans les échanges à fleurets mouchetés des dernières semaines. En effet, le responsable de Capri-Loisirs relaie sans réserve les propositions d’Hechter dans la presse, manquant à ses devoirs de discrétion et entaillant sévèrement l’unité du comité. Giegel contestera d’ailleurs benoîtement son exclusion, en vain. Toujours est-il que le Racing doit faire le deuil d’un nouveau sponsor.

Deux camps sont désormais aux prises, irréconciliables, maniant l’invective à coups de communiqués, de batailles de chiffres. La mairie n’y peut mais. André Bord, ancien Monsieur bons office, semble aux abonnés absents durant la pause estivale.
Le camp Hechter agite l’épouvantail du dépôt de bilan, estime que l’équipe dirigeante en place est vouée à l’échec tout en promouvant une alternative aguicheuse et moderniste. Jean Willaume assure que la menace de banqueroute est fantaisiste, milite pour un retour aux racines comme en attestent ses six mois de présidence et fait confiance à Piasecki et aux joueurs qu’ils ont choisis pour jouer la montée. Le dernier succès 3-1 à Nancy serait la preuve de leur compétitivité.

Sentant que ses arguments manquaient de concret, Daniel Hechter prend une série d’engagements. Il garantit 4 millions de francs de recettes supplémentaires. Il entend créer un « club de sponsors », en faisant appel à Jean-Claude Darmon, autre personnage en vogue – la confusion étant totale lorsque René Maechler indique qu’il rencontrera Darmon à la fin du mois de juillet. Surtout il fait la promesse que « tout "trou" financier supplémentaire éventuel pendant son mandat serait couvert par ses soins ».
Une « Association pour le renouveau du Racing », regroupant des personnalités alsaciennes favorables au couturier, voit le jour. On y retrouve par exemple un ancien membre du conseil d’administration de l’Omnisport, non réélu en mai, Georges Anna, ainsi qu’un jeune cadre de La Strasbourgeoise, Patrick Spielmann. André Bord est pour sa part nommé à une haute fonction de coopération franco-allemande par Jacques Chirac.

Juillet 1986 marque un changement d’époque en Alsace : le Racing en passe d’être racheté par un Parisien ; le Nouvel Alsacien cesse de paraître ; la révolutionnaire piscine l’Océade ouvre ses portes. On inaugure même un tronçon d’autoroute, l’A352 entre Strasbourg et Molsheim.
Après des débuts poussifs, le onze de Piasecki est enfin en route. Elle s’impose en Moselle, contre Reims (futur adversaire lors de la première journée de championnat), puis contre Nancy à la Meinau, ce qui ne lui permet pas de terminer première du groupe. Un mal pour un bien.
A une semaine du coup d’envoi de la saison, l'équipe laisse l’impression de faire abstraction du contexte chargé entourant le club…

kitl

Commentaires (3)

Flux RSS 3 messages · Premier message par athor · Dernier message par chris3fr

  • J'aime toujours autant cette série d'articles (+)

    Vivement la suite, notamment l'arrivée de Hechter, cette période étant finalement assez méconnue.

    (et donc, pour l’ancêtre de FrN, Goudet/Gousset, c'est pareil)
  • athor a écrit, le 12/07/2016 07:13 :

    (et donc, pour l’ancêtre de FrN, Goudet/Gousset, c'est pareil)


    Et Flucklinger est devenu Fluckinger !
  • Merci pour cette très sympa série d'articles, j'ai l'impression que c'était hier alors que c'est déjà de la préhistoire...!
    Hâte de revoir les longs shorts et le beau maillot Mammouth de l'époque Hechter... :)

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  • athor Ce serait une sorte de championnat amical en parallèle des compétitions officielles, pour faire jouer les jeunes qui ne jouent pas
  • athor Si ce "championnat" voit le jour, il ne remplacera pas les championnats nationaux pour les réserves
  • quarantedouze La création d'un championnat des réserves est effective ou bien seule la relégation de la 2 l'est ?
  • athor Pas de fiche de match, mais on a en a parlé sur le topic du centre de formation à l'époque [lien]
  • batavus il me semblait qu'il y avait aussi une fiche de match / topic sur le stub, correct ?
  • batavus merci
  • athor Quart de finale du championnat 2017/2018
  • athor [lien]
  • batavus Un expert du stub pour m'aider ?
  • batavus demi-finale du championnat de France je crois (ou quart de finale?)
  • batavus Je cherche la fiche de match RSC-Rennes (U18?) joué à la Meinau il y a 5-6 ans
  • guigues hopla
  • clutch Les autres, comme nous, font des passages dans cette zone et ils ressortent
  • clutch Lens est effectivement le seul « nouveau » club qui réussit à s’installer durablement dans le top 8
  • iron-foot67 Et encore ils peuvent aussi faire une saison blanche cette année
  • iron-foot67 Les seuls qui ont plus ou moins réussi après une saison extra est Lens
  • iron-foot67 Comme la saison dernière avec la saison de Lorient et Clermont il aurait fallu prendre exemple ils disaient
  • bleu2bleu Bravo a Brest
  • tenseur Ça va être dur pour Brest l'année prochaine. Mais incroyable Brest, bravo à eux
  • chrisneudorf Comme nous il y a 2 saisons!On verra sur la durée et surtout saison prochaine avec Coupe d'Europe

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