Saison 2023/2024
Racing Club de Strasbourg

Il y a 30 ans : Thierry Laurey à l'échelle de Glasgow

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8 mars 1989 : Thierry Laurey joue avec l’équipe de France de Michel Platini, face à l’Ecosse, à l'Hampden Park de Glasgow. Trois décennies plus tard, retour sur l'unique sélection du coach strasbourgeois, avec les souvenirs du principal intéressé.

Chérie, j’ai rendez-vous en Écosse

 
Pour cette rencontre décisive en vue de la qualification à la Coupe du monde 1990, Michel Platini titularise Thierry Laurey au milieu de terrain.

Le joueur du FC Sochaux-Montbéliard joue ainsi son seul match international, conclu par une défaite 2-0 qui condamne quasiment les Bleus à rater le Mondiale italien disputé l’année suivante.

Encore présent sur le banc des remplaçants quelques semaines plus tard lors du match considéré comme celui de la dernière chance face à la Yougoslavie (0-0), Laurey disparait ensuite des petits papiers du sélectionneur : dès l’élimination entérinée, Platini cherche à construire une nouvelle équipe nationale qui sera capable de bien figurer à l’Euro 1992 en Suède.

Ce nouvel objectif scandinave devient en effet primordial pour l’honneur du football français car l’échec de 1989 succède à une autre élimination précoce, celle qui priva les Bleus de l’Euro 1988 (une victoire, quatre nuls, trois défaites en qualifications).

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Billet du match

1986 – 1989 : Platini Bez Michel

L’EDF en grande souffrance


Revenons trois ans en arrière : qui aurait pu imaginer ces deux désillusions consécutives au soir de la victoire face au Brésil, à Guadalajara le 21 juin 1986, en quart de finale de la Coupe du monde ?

Certes, l’épopée mexicaine menée par le sélectionneur Henri Michel, et ponctuée d’une troisième place, marque la fin d’une génération d’exception avec les retraits de Bossis, Giresse et Rocheteau, puis plus tard de Platini dont le talent et le charisme font désormais défaut.

Mais le football français croit à un bel avenir grâce à la nouvelle génération (Boli, Vercruysse, Ferreri, Papin) encadrée par quelques glorieux anciens (Battiston, Amoros, Tigana) et bientôt renforcée par les meilleurs éléments de l’équipe de France Espoirs, comme les Sochaliens Paille, Sauzée et Silvestre mais aussi Roche, Blanc, Cantona... qui décrochent dans l’allégresse le championnat d’Europe Espoirs 1988 à Besançon.

Une confiance renforcée par l’inauguration, en juin de la même année, par le Président Mitterrand, du très moderne centre de Clairefontaine chargé désormais d’accueillir les Bleus avant les matchs internationaux et de former certains des meilleurs jeunes footballeurs français.

Hélas, cet élan d’optimisme est secoué par un incident qui fragilise Henri Michel : Eric Cantona, non retenu pour l'amical face à la Tchécoslovaquie, traite le sélectionneur de « sac à merde » dans les couloirs du stade de la Meinau après un match Racing-Marseille, le 20 août 1988.

Quelques semaines plus tard, à la Toussaint, Henri Michel est débarqué suite à l’humiliant match de qualification disputé à Nicosie (nul concédé face aux amateurs de l’équipe nationale chypriote). 

Il est remplacé par Michel Platini, accompagné de Gérard Houllier, qui tire rapidement un trait sur quelques hommes de base de son prédécesseur tels Sonor, Kastendeuch ou Passi.


Tout ça, c'est la faute de Mickey

Les clubs dans une nouvelle ère


Claude Bez, président des Girondins de Bordeaux et superintendant de l’équipe de France, est à la manœuvre pour imposer Platini à la tête des Bleus. 

Patron de la meilleure équipe française depuis le milieu des années 1980, Bez est bien placé pour constater les changements dans de nombreux clubs hexagonaux : au-delà de la situation de l’équipe de France, le football français dans sa globalité cherche son second souffle.

Un premier remède consiste à porter à la direction des clubs des hommes d’affaires dynamiques, à même de professionnaliser un sport encore dépendant des subsides municipales.

A Marseille, Bernard Tapie est coopté par le Maire Gaston Defferre pour prendre la tête de l’OM début 1986. Décidé à réussir aussi rapidement dans le football que dans le cyclisme, l’homme d’affaires s’est entouré de références comme Michel Hidalgo, dont il fait son directeur sportif, et Gérard Banide, formateur reconnu.

Le recrutement de l’été 1986 donne le ton : des cadres expérimentés comme Förster, Giresse, Genghini, Sliskovic, Domergue… accompagnés d'étoiles montantes telles Jean-Pierre Papin, Franck Passi ou Thierry Laurey.

Ces investissements tardent cependant à porter leurs fruits : début 1989, l’OM n’a toujours rien gagné, en dépit de nombreux accessits.

D’autres clubs ont pris le sillage de ce football business naissant, pour une digestion souvent laborieuse : le Matra Racing de Jean-Luc Lagardère a mis les moyens mais le club - hâtivement élevé au rang de modèle - n’obtient ni résultats ni public, le Brest Armorique succombera à la folie des grandeurs, tandis que Nantes a même congédié Suaudeau.

Strasbourg n’est pas en reste en confiant son destin et les deniers du contribuable à Daniel Hechter...

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Platini (sélectionneur), Houllier (adjoint), Fournet-Fayard (responsable du papier peint) et Bez (patron)

Sochaux, vivier français


A côté de cette approche essentiellement financière cohabite – une expression dans l’air du temps – une série de clubs modestes, qui n’ont d’autres ressources que leur capital joueurs et s’appuient sur des éléments prometteurs, happés de plus en plus jeunes par les puissants. Entrent dans cette catégorie Sochaux ou Laval – Auxerre parvenant à retenir plus longtemps ses talents.

Le centre de formation sochalien est devenu une référence grâce à René Hauss, emblème du RC Strasbourg des années 1950 et 1960, et l'équipe de 1987-1988 est encore plus prometteuse que celles des saisons précédentes. 

Finaliste de la Coupe de France, Sochaux survole son groupe de Division 2 et s’affiche dès son retour en D1 parmi les meilleures équipes françaises, ce qui vaudra à Stéphane Paille le titre de joueur français de l’année 1988.

Fatalement contraint de laisser partir ses pépites, Sochaux réalise un bon coup à l’été 1988 en obtenant l’arrivée de Thierry Laurey, devenu tricard à l’OM malgré un prêt réussi à Montpellier, inclus dans le transfert vers Marseille de Franck Sauzée, avec qui il partage un certain nombre de qualités.

Alors qu’on pouvait craindre pour la saison des Lionceaux, celle-ci s’achève sur une quatrième place et un sésame pour la Coupe UEFA.

Eliminés de cette compétition par le futur finaliste – la Fiorentina de Baggio et Dunga –, après une belle résistance, les hommes de Takac réussissent l’épreuve de la confirmation, en dépit du départ de Paille à Montpellier.

Ils occupent la troisième place du classement au moment où Platini choisit de sélectionner le régulateur de l’entrejeu sochalien, Thierry Laurey, dans la perspective du rendez-vous décisif à Hampden Park.

« J’ai appris ma sélection sur le périphérique parisien. J’étais assis à l’arrière de la voiture avec deux enfants : le mien et celui de Christian Perez, mon ancien coéquipier à Montpellier. L’un d’eux m’a vomi dessus : j’étais en train de nettoyer mes vêtements quand la radio a annoncé que Michel Platini me sélectionnait en équipe de France ! »

Privé de Basile Boli, suspendu, le sélectionneur doit également faire sans un joueur autre, plus expérimenté, ce qui constitue la chance de Laurey : « c’est Jean Tigana qui devait être titularisé mais il est arrivé blessé au rassemblement. Michel Platini est venu me voir pour m’annoncer que j’allais jouer ».

Equipe

Un 2e coach du Racing s'est glissé dans la compo

Avec les compliments de Sir Alex



A Glasgow, il s'agit d'effacer la catastrophe chypriote et de préserver les chances françaises de passer le début de l’été 1990 en Italie. 

Après deux matchs amicaux à Dublin contre l'Eire (0-0, première sélection de Laurent Blanc, au poste d'ailier droit) et à Londres contre Arsenal (défaite face au leader du championnat anglais), une question majeure anime le football français : faut-il chercher le nul ou attaquer contre l'Ecosse ?

Incapables de répondre à cette question, les Français passent globalement à côté du match. A Hampden Park, sur un terrain boueux et détrempé, la France concède une défaite 2-0 plombant le bilan de Michel Platini : trois défaites et un nul.

La première occasion du match est pourtant à l'actif des Bleus, par l'intermédiaire de Thierry Laurey : à la 10e minute, suite à un « excellent une-deux » selon Alex Ferguson (entraineur de Manchester United qui commente le match pour la télévision écossaise), Laurey déclenche une frappe détournée du bout des gants par le gardien adverse, Jim Leighton.

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Une-deux avec JPP

Une belle action dont l’actuel entraîneur strasbourgeois a gardé peu de souvenirs. 

« Je me rappelle surtout des hymnes : tout en haut de l’immense tribune, je voyais quelqu’un qui me faisait un salut amical. C’était Alain Giresse, que j’avais connu à l’OM, il était présent comme consultant d’une radio. Alain avait toujours été de bon conseil pour moi et son geste sympathique m’avait permis de me décontracter ».

Laurey se fait remarquer par des frappes de loin à deux autres reprises : à la 35e minute après une belle action collective à une touche de balle, mais le tir n'est pas cadré, et une tentative trop écrasée à la 58e minute.

Après la rencontre, le sélectionner pointe les occasions manquées : « en attaque, j'ai lancé quatre joueurs - Daniel Xuereb, Laurent Blanc, Jean-Pierre Papin, Stéphane Paille - qui sont bien devant Johnston au classement des buteurs de la D1. A l'arrivée, on se crée plus d'occasions que nos rivaux mais on ne les met pas au fond. Mo Johnston, lui, en a mis deux ».

Trois jours plus tard, Mo Johnston s’incline en championnat de France avec le FC Nantes… face à Strasbourg à la Meinau : victoire 2-0 grâce à des buts de l’Anglais Simon Stainrod et de l’Allemand Peter Reichert.

Pour Laurey, le train bleu est passé



Le match suivant de l'EDF, face à la Yougoslavie, met fin aux espoirs de qualification (0-0). A cette occasion, Michel Platini a réorganisé le milieu de terrain et Thierry Laurey suit toute la rencontre sur le banc de touche.

« En seconde mi-temps, Platini devait faire rentrer un milieu de terrain. Il avait le choix entre moi et Didier Deschamps. Il a choisi Deschamps. »
L’actuel sélectionneur français fait ainsi sa première apparition sous le maillot bleu.

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Tout à fait, Thierry

Thierry Laurey ne sera plus jamais convoqué, tandis que Laurent Blanc et Didier Deschamps s’installent chez les Bleus : ils sont les deux buteurs du dernier match qualificatif, sans enjeu, contre Chypre.

C’est au même moment, à l’été 1989, que le sélectionneur trouve enfin la bonne formule : « après l’élimination, Platini a souhaité reconstruire une nouvelle équipe, certains joueurs se sont imposés dans ce que le sélectionneur voulait mettre en place.
Je n’ai donc aucun regret surtout que c’était la saison précédente où je me suis vraiment senti le plus fort. J’ai apprécié d’être coaché par Michel Platini, j’en garde un bon souvenir tout comme de son adjoint Gérard Houllier.
»

Une équipe défensive avec deux milieux récupérateurs s’impose, sans meneur de jeu et avec des attaques rapides pour lancer les meilleurs attaquants du moment : Papin et Cantona, de retour de sa suspension de neuf mois suite aux insultes contre Henri Michel.

Le 28 février 1990, la France bat 2-1 la RFA, future championne du monde en Italie, grâce à Papin et Cantona, et enchaîne en gagnant tous les matchs qualificatifs à l’Euro 1992.

Platini pioche désormais largement dans l’effectif de l’OM, meilleure équipe de France, laissant peu de place aux autres : lors d’un match en Pologne en 1991, huit olympiens sont alignés (Boli, Angloma, Casoni, Amoros, Sauzée, Deschamps, Durand, Papin) avec l’Auxerrois Bruno Martini, le Cannois Amara Simba et le néo-Napolitain Laurent Blanc, remplacé dans son ancien club montpelliérain par... Thierry Laurey.

Ce ne sera pas suffisant pour bien figurer en Suède lors de l’Euro : la France tombe sans gloire dès le premier tour, après deux matchs nuls (contre la Suède 1-1 et l’Angleterre 0-0) et une défaite 1-2 (contre le Danemark, futur vainqueur du tournoi).

Platini quitte son poste et devient le coprésident du comité d'organisation de France 98.

Quant à Thierry Laurey, il joue au plus haut niveau jusqu’au printemps de cette même année et s’engage immédiatement dans le métier d’entraîneur.

Quelques semaines plus tard, Blanc et Deschamps, désormais cadres incontestés de l’équipe de France, soulèvent la Coupe du monde : dans la folle nuit du 12 juillet, le triste crachin d’Hampden Park n'est plus qu'un lointain souvenir.

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Il n'a presque pas changé !

Propos de Thierry Laurey recueillis au local de la FSRCS lors de sa rencontre ce mardi avec les supporters et diffusés avec son aimable autorisation.
La citation de Michel Platini est extraite du site www.chroniquesbleues.fr.

Pour voir ce match Ecosse-France (et beaucoup d'autres) : https://footballia.net/matches/scotland-france.

Article rédigé par @filipe et @kitl

fsrcs

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