Saison 2023/2024
Racing Club de Strasbourg

Bertin aux grands pieds

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Par kitl
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Une frappe, une gueule, un catogan. C’est bien de Teddy Bertin dont il est question, reconnaissable entre mille tant l’homme a laissé des souvenirs en Alsace et dans le Berry. Retour sur la carrière de la bête, à quelques jours de retrouver Châteauroux.

Natif de Flixecourt, petite bourgade au passé textile nichée sur la Somme entre Amiens et Abbeville, Teddy Bertin fait ses premières armes de footballeur de haut niveau au stade Moulonguet d’Amiens. A la fin des années 1980, l’ASC navigue entre D2 et D3, servant de tremplin à de jeunes espoirs comme Jimmy Adjovi-Bocco, Thierry Bonalair ou Gérald Baticle. Champion de D3 en 1991, Amiens voit partir Baticle à Auxerre, tandis que Bertin rejoint le Havre Athletic Club, tout juste promu en D1.
Milieu de terrain porté sur l’offensive, le jeune Bertin fait pourtant ses débuts professionnels au poste de latéral gauche pour lequel il n’a pourtant pas de grandes prédispositions. Profitant des pépins physiques du titulaire Thierry Uvenard, il compile 18 matchs pour sa première saison. Ayant recruté expérimenté (Thouvenel, Goudet, Garande, Rix), le club du président Hureau réalise une très belle saison 1991-92 : troisième à la trêve, le HAC obtient finalement une septième place inespérée, échouant proche des places européennes. La Normandie est euphorique, puisque le voisin caennais découvrira pour sa part la Coupe de l’UEFA.

La saison suivante est bien plus délicate pour les hommes de Pierre Mankowski. Ayant pourtant conservé son effectif dans les grandes largeurs, le HAC ne doit son redressement qu’à une fin de compétition remarquable, conclue par deux succès chez des condamnés, Toulon et Nîmes. Teddy Bertin commence à faire son trou, avec 26 matchs, même s’il ne dispute pas la fin de saison.
C’est véritablement à partir de 1993 que Teddy Bertin devient titulaire indiscutable. Mankowski parti à Lille, un entraîneur méridional et moustachu débarque en Normandie, avec dans ses bagages un petit relayeur au (mono)sourcil broussailleux, Frédéric Brando. Associant ces deux joueurs complémentaires au milieu de terrain, Guy David parvient à maintenir Le Havre de justesse, en s’appuyant sur les arrêts de Piveteau et les inspirations des jeunes Ibrahim Ba et Vikash Dhorasoo.

Désormais reconnu pour la puissance de ses coups-francs, Teddy Bertin doit toutefois s’effacer derrière Alain Caveglia, artilleur redoutable. Convertissant la bagatelle de dix penalties en 1994-95 (!), Caveglia permet au Havre de rêver à nouveau de Coupe d’Europe mais les Havrais finissent par s’écrouler et manquent le strapontin pour l’Intertoto.
Le stade Jules-Deschaseaux ignore qu’il vit alors ses dernières belles années, sous le capitanat de Jean-Pierre Delaunay, stoppeur à l’ancienne auquel est de plus en plus associé Teddy Bertin en charnière centrale. Christophe Revault multiplie les arrêts et accumule les Étoiles d’or France Football de meilleur gardien de Division 1. Débarrassé de son concurrent pour les coups de pied arrêtés, Bertin commence à imprimer sa marque depuis le point de penalty : une grosse mine, le plus souvent à ras de terre. Il en convertira quatre lors de la saison 1996-97 pour sept buts au total.

En 1997, Revault signe au PSG, et ce même été Teddy Bertin rejoint l’Olympique de Marseille. Après une saison de transition pour son retour en D1, l’OM a mis les gros moyens : recrutements de Makelele, Gravelaine et surtout Laurent Blanc (Ravanelli et Dugarry suivront en cours de saison). Malgré ses états de service havrais, Teddy Bertin ne peut faire grand-chose face à son concurrent direct, autre milieu de terrain reconverti libéro et spécialiste du penalty. Blanc est alors à son sommet, et Bertin doit se contenter des miettes de temps de jeu (21 matchs et pas le moindre but à se mettre sous la dent). Le Picard aura toutefois le privilège de disputer le PSG-OM marqué par la simulation légendaire de Ravanelli en novembre 1997.

Du Strasbourg du Sud, Teddy Bertin file alors au Marseille de l’Est. Après avoir confié les pleins pouvoirs à Bernard Gardon et ses filières belgo-danoises, Patrick Proisy est enclin à faire une confiance aveugle en Claude Le Roy, promu manager général, dont l’ami Pierre Mankowski, tricard depuis ses succès havrais, prend place sur le banc.
Alors que les derniers vestiges de l’ère Weller-Duguépéroux se comptent sur les doigts d’une main – Vencel, Suchoparek, Okpara, Collet – quelques valeurs sûres débarquent à la Meinau, Bertin étant accompagné d’Olivier Echouafni, de jeunes prometteurs (Beye, Luyindula) et de mémorables flops, au sein desquels trône Per Pedersen.
Cette saison-là, Teddy Bertin s’occupe de tout : patron de la défense, il finit meilleur buteur du club avec 8 réalisations, dont des penalties, des coups francs mais aussi un but de la tête décisif à Toulouse. En cours de saison, il profite de la disgrâce de Corentin Martins pour hériter du brassard de capitaine. Le RCS frise la correctionnelle, affiche un niveau de jeu exécrable mais finit par se sauver.

La saison 1999-2000 sera haute en couleur pour les Ciels et Blancs. Claude Le Roy active ses réseaux foireux et déniche des renforts exotiques payés à prix d’or. Après trois succès inauguraux à domicile, l’automne est désastreux, si bien que Le Roy n’a d’autre solution que de limoger son ami de trente ans pour lui subtiliser sa place à la veille d’un déplacement à Saint-Etienne.
Buteur de la tête à Geoffroy-Guichard, dans ce qui constituait un véritable hold up, Teddy Bertin court célébrer son but avec le banc strasbourgeois et se voit presque forcé de partager sa joie avec son nouvel entraîneur, que ne l’avait pourtant pas ménagé, remettant en question ses qualités de capitaine : le libéro espérait saluer Jean-Marc Kuentz et Paul Quétin, lorsque le Roy se dressa face à lui, les bras grands ouverts. Fin d’une semaine agitée pour le Racing et Teddy Bertin, coupable de s’être emporté un jour en fin d’entraînement et d’avoir lâché à l’attention de petits vieux qui n’avaient d’yeux que pour les rares locaux Régis Dorn et Fabrice Ehret : « Fermez vos gueules et rentrez chez vous, sales Boches »…

Se sentant conforté par la victoire, Claude Le Roy ne manque pas d’en rajouter une couche en s’épanchant sur les « fachos » et « nazillons » évoluant autour du club. La déclaration présidentielle ne faisant qu’aggraver la situation, une cassure définitive s’opère entre les hommes d’IMG et les derniers supporters du Racing, ceux qui n’avaient pas été définitivement démoralisés par les promesses en l’air, le saccage de l’identité du club ou la reconstruction des tribunes populaires. Au milieu de ce panier de crabes, certains joueurs surnagent, comme Bertin ou surtout son compère Echouafni, qui se substitue à son tour aux attaquants aphones.

Si le Racing se redresse en championnat, battant Lyon 4-2, le futur champion Monaco 3-2 puis Marseille 3-1, deux matchs achèveront de livrer l’équipe à la vindicte populaire. En course dans les deux Coupes nationales, le RCS se vautre lamentablement à Gueugnon puis à Lens face à Calais, deux éliminations honteuses qui auront vite pris le pas sur les succès prestigieux arrachés plus tôt. Dommage pour Bertin, qui s’était employé aux tours précédents, à travers un énième coup franc lointain décoché à Louis-II en Coupe de la Ligue puis surtout à la Meinau en Coupe de France face à Bernard Lama...



A l’été 2000, on change tout au Racing mais Claude Le Roy reste en place. Nouveaux maillots – les discutables Asics qui tiendront jusqu’en 2003 –, nouvelles tribunes basses, nouvel effectif déséquilibré : le meilleur Strasbourgeois de la saison écoulée file à Rennes, son remplaçant arrive de National, tout comme le meilleur buteur de la division et un ancien Gueugnonnais qui se perdit un jour dans les rues de Strasbourg.
Vite englué dans la zone rouge, le RCS n’a d’autre choix que de se délester enfin de Claude Le Roy, quasiment un an jour pour jour après son irruption sur le banc. L’homme aux cheveux de paille file pour de nouvelles aventures exotiques, non sans avoir retiré le brassard à Teddy Bertin, pour qui le capitanat était devenu une charge trop lourde à porter. Le nouvel entraîneur, Yvon Pouliquen, continuera à faire de Corentin Martins son capitaine et maintiendra sa confiance à Bertin en défense.

Comme le confia dernièrement ce dernier, le groupe dont surnageaient quelques éléments prometteurs comme Pascal Johansen se focalisa progressivement sur la Coupe de France au détriment du championnat. Porté par Peguy Luyindula, le RCS renversa les deux meilleures équipes du moment, Lyon puis Nantes, dans une Meinau incrédule et toujours frondeuse.
Pour la première fois depuis l’épopée européenne de la fin 1997, les supporters ont des raisons d’être en partie fiers de leur club, même si les plus lucides déploreront la descente en D2. On oublie un peu Nelly Viennot, le flop Chilavert, Garay et le reste. La gare de l’Est et la plaine Saint-Denis sont strasbourgeoises et Teddy Bertin tient enfin l’opportunité de gagner un trophée, récompensant dix ans de professionnalisme et une régularité métronomique sous le maillot du Racing (aucun match officiel manqué depuis son arrivée en 1998).

Alors qu’il a tenu le club à bouts de chaussures depuis trois ans, Teddy Bertin voit la lumière lui échapper. Il vient pourtant de marquer son tir au but, le premier de la série alsacienne, à l’issue d’un match crispant où il s’efforça de couvrir les erreurs de ses partenaires. Il sait que Corentin Martins soulèvera la coupe en premier, comme avec Auxerre en 1994 et 1996. Bertin, qui vient de dominer son club de cœur, voit toute l’attention du public et des médias captée par le gonflé José Luis Chilavert, auteur du tir au but final, qui s’arrogerait presque le mérite d’avoir gagné le trophée à lui tout seul, lui dont les prestations en Division 1 ont souvent frisé le ridicule.

Tout ce petit monde se retrouve en Division 2, au sein d’un club pacifié par les retours d’Ivan Hasek et Marc Keller, lequel ne se pressa d’ailleurs pas pour mettre au rebut le logo Pacman. Hormis Luyindula et quelques boulets de l’époque Le Roy, l’effectif est globalement conservé. Alléché à l’idée de découvrir la coupe d’Europe qu’il avait caressée des yeux dans sa jeunesse havraise, Teddy Bertin doit se résigner à une élimination dès le premier tour face au Standard de Liège de Godwin Okpara et Michel Preud’Homme, dans le contexte pesant du mois de septembre 2001. Le Racing d’Hasek remonte finalement sans encombre, bien aidé par le retour de la D1 à 20 clubs.

Le mercato estival de 2002 est assez tardif : Ismaël est de retour, il prendra le brassard de capitaine ; le Brésilien Pena et Ulrich Le Pen arrivent en fin d’été. Sans véritable renfort (si l’on met de côté Vincent Fernandez et Yves Deroff), le RCS ne remporte aucun match contre ses trois camarades promus et encaisse même une correction à Nice (4-0). Teddy Bertin a l’occasion d’offrir un succès étriqué face au Havre mais manque son penalty. S’il initie une jolie victoire à Bordeaux dès le samedi d’après puis ne tremble pas dans les arrêts de jeu face à Montpellier fin septembre, les deux fois sur penalty, Bertin va tomber en disgrâce. Début septembre, il manque la venue de Sedan, ce qui met fin à une série de près de 180 matchs disputés avec la Racing, coupes comprises. Âgé de 34 ans, il commence à afficher des signes de fatigues : il n’a jamais été très rapide et ses coups francs lointains parviennent de moins en moins à transpercer les murs. Outre Ismaël, le Racing a mis la main sur un remplaçant potentiel, en la personne du Tchèque Drobny.
Expulsé en fin de match à Sochaux, Teddy Bertin ne réapparaîtra qu’une fois sur le terrain, à Lyon, subissant même l’affront de jouer en équipe réserve. Cette brutale mise à l’écart a des raisons sonnantes et trébuchantes : en bon gestionnaire, Marc Keller a mis le doigt sur une clause du contrat de Bertin stipulant un renouvellement automatique si le joueur disputait 24 matchs de championnat. Sans grande délicatesse, le libéro se retrouve donc placardisé.

Teddy Bertin quitte donc l’Alsace en catimini en 2003, avec encore l’envie de jouer et de démontrer qu’il n’est pas « cramé ». Il signe à Châteauroux où il retrouve un autre célèbre défenseur au catogan, Eric Rabesandratana. Bien qu’entraîné par Victor Zvunka, la Berrichonne est alors une valeur sûre de deuxième division. Au bout d’un parcours peu sélectif, en dehors d’un succès sur la Principauté, Châteauroux atteint la finale de la Coupe de France 2004 face au Paris Saint-Germain de Vahid Halilhodzic. Michel Denisot est aux anges, puisque les joueurs de l’Indre seront quoi qu’il advienne qualifiés pour la Coupe de l’UEFA, Paris ayant bouclé le championnat en deuxième position.

Malgré une belle résistance, les Castelroussins d’Algerino, Roudet et Bertin s’inclineront 1-0, but de Pauleta. Pour la deuxième fois de sa carrière, Teddy Bertin aura la joie de disputer la C3, pour un résultat comparable : une élimination au premier tour contre des Belges (le FC Bruges).
Châteauroux se tasse quelque peu, consume les entraîneurs mais Bertin reste le patron de l’arrière-garde, jouant sur son placement et poursuivant sa moisson de penalties : 3, 3, 5 puis 2 pour finir en 2006-07, année où il retrouve la Meinau pour un dernier tour de piste sous le maillot rayé bleu et rouge.

Ayant atteint l’âge canonique de 38 ans, Teddy Bertin veut toujours jouer au foot. Après un contact infructueux avec l’AS Illzach-Modenheim, le Picard rejoint la Charente-Maritime et le club de DH de Cozes. Il rentre ensuite au bercail, à l’AC Amiens puis au bord de la Manche à Eu. Glissant peu à peu vers le banc de touche, il n’hésite pas à rejoindre l’agglomération havraise et le club du Havre Neiges, promu en CFA 2 en 2012. La saison ressemble à un long hiver et Bertin continue à sillonner les clubs de divers niveaux, le voici à Harondel à l’été 2013. Harondel a fait le printemps, puisque Bertin répond à l’appel de son club formateur, l’Amiens SC que nous connaissons bien, qu’il a rejoint en cours de saison 2013-14 pour s’occuper des U19 Nationaux.

Le cheveu un peu plus rare, chaussant à présent des lunettes, Teddy Bertin mène donc une reconversion assez frénétique. S’il a eu la bougeotte sur le terrain, il a su laisser une trace au Havre AC, à Châteauroux et au Racing Club de Strasbourg, où il s’efforça de commander un bateau laissé à la dérive par ses a(r)mateurs de dirigeants. Il s’emporta bêtement un jour de novembre 1999, mais retenons davantage ses boulets de canon envoyés des 35-40 mètres, son look d’Highlander et sa série de matchs consécutifs.
Teddy Bertin fut capitaine du Racing des années Proisy, il n’a jamais joué en bleu roy ni porté le blason historique, mais il fait partie des nôtres.


Articles de presse de l’époque
Libération, 27.11.1999, Nicole Gauthier.
L'Humanité, 29.11.1999, Régis Schneider.
Libération, 13.12.1999, Nicole Gauthier.

www.hac-foot.com

La fiche de Teddy Bertin sur racingstub.com

Articles de racingstub.com
http://racingstub.com/articles/184-27-11-1999-saint-etienne-rcs (conan, 19.08.2004)
http://racingstub.com/articles/1308-teddy-bertin-je-ne-suis-pas-un-joueur-crame (fremen-bleu, 09.09.2006)

kitl

Commentaires (4)

Flux RSS 4 messages · Premier message par athor · Dernier message par echouafni

  • Excellent article (+)

    Il me semble que le joueur qui s'était perdu dans Strasbourg n'étant pas l'ancien Gueugnonnais Roda, mais Christophe Kinet.

    Et concernant Bertin, selon la légende, le non moins légendaire @conan fut un jour assommé par une de ses frappes.
  • Super article :)

    Teddy précédé au Racing par une autre terreur, la Sauze.
  • In teddy we trust ! Excellent article sur un joueur emblématique de cette période contrastée mais mythique de notre grand racing.
  • Que des bons souvenirs de Teddy.

    La seule ombre au tableau restera ses propos à l'entraînement contre les petits vieux; mais il faut savoir pardonner.

    Teddy a beaucoup apporté à Starsbourg.

    J'ai encore en tête sa façon de courir et de marcher, un peu comme les montres des films pixar. Teddy, quelle patate !

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