Alain Fontenla's flying circus

Vendredi 18 décembre 2009, Strasbourg affronte Guingamp dans un contexte difficile et troublé. Initialement annoncé présent, le nouvel actionnaire majoritaire du club fait savoir dès la matinée qu'il ne sera pas là. La raison invoquée ? Il aurait manqué son avion à Londres. Malgré les déboires récents de l'Eurostar, on a peine à croire qu'il n'existe qu'une seule connexion possible dans la journée entre la capitale de la perfide Albion et celle de Noël. Doutes renforcés quand le même Fontenla se trouve le soir même à Paris dans le studio de RMC pour tirer à boulets rouges sur un président qu'il a pourtant confirmé une semaine auparavant et qui est, lui, fidèle au poste. Le grand financier a donc rejoint la caste très fermée des propriétaires de clubs qui ne peuvent assister aux matches de leur équipe. Il n'a pourtant pas été la cible de menaces de mort comme son homologue de la Lazio de Rome. Son portait n'a pas été bombardé de projectiles divers en bordure du stade comme on a pu le voir à Nantes. Les ultras du club prennent même le soin de rester polis à son endroit, en se cantonnant à un qualificatif naguère associé à feu Edgar Faure. Bref, aucune animosité ou virulence qui pourrait raisonnablement inciter un amoureux auto-proclamé du football à renoncer à un match de son équipe chérie. Et, dans les loges, il ne fait même pas froid. Ne restent dès lors que deux explications : Alain Fontenla est un pétochard ou alors il joue un jeu. Voire les deux.

Une dérobade qui aurait été anecdotique si elle n'était pas prise dans une longue série presque invraisemblable qui a fourni aux détracteurs du Racing un nouveau sujet de moquerie. Depuis l'annonce de la revente du club, Alain Fontenla donne l'impression d'avancer à reculons et de changer de trajectoire au gré de l'humeur du moment. Il faut dire que ses très rares apparitions ont été catastrophiques. L'homme n'a réussi à convaincre ni la municipalité ni les actionnaires minoritaires, encore moins la presse et surtout pas la Direction nationale du contrôle de gestion (DNCG) ou les supporters. Sa seule apparition publique à Strasbourg date du 11 décembre pour une conférence de presse pathétique. Rougeaud et engoncé dans un col roulé peu adapté à sa corpulence, le nouveau propriétaire du club se fait littéralement avaler par une escouade de journalistes locaux qui n'ont pourtant rien de grands fauves assoiffés de scandale. Il commet même l'erreur de prendre lesdits plumitifs de haut – la fameuse leçon « d'ingéniérie financière » - ce qui lui vaut évidemment d'encaisser quelques papiers acides, mais pas véritablement méchants. A ce moment précis, l'homme garde cependant des partisans parmi les suiveurs du Racing. Il serait uniquement malhabile en matière de communication et victime de la mauvaise humeur de quelques actionnaires minoritaires du genre pète-sec. Il n'aura guère de peine à faire mieux pensent les plus optimistes.

Un espoir de ressaisissement très vite déçu lors de la semaine surréraliste qui va suivre. Echaudé par les échos désastreux de sa sortie médiatique, notre ami se réfugie dans l'art moins exigeant du communiqué, qu'il ne parvient pourtant guère mieux à maîtriser. Au soir d'un passage visiblement problématique devant la DNCG, il dégaine une première fois via le site officiel du club, une référence en la matière. Les quelques lignes publiées peu avant le bouclage des différents quotidiens contiennent une faute d'accord énorme et laissent entendre que Philippe Ginestet et Jean-Luc Herzog auraient laissé quelques cadavres dans le placard de la comptabilité du club. Accusation grave qui ne tient guère puisque le duo susnommé a lui réussi sans encombre le même grand oral, et qui sème un beau pataquès. Un rétropédalage malheureux s'ensuit qui voit le terme « négligence de trésorerie » remplacé par celui, plus neutre, d'« exigence de trésorerie » - la faute d'accord demeurant en place – avant le retrait définitif dudit communiqué sur les coups de midi. Dans les salles de rédaction et sur le forum de racingstub.com on se gausse désormais franchement. On croit avoir atteint le stade ultime du ridicule. Pourtant, tel le Sergueï Bubka de la grande époque, Fontenla bat son propre record presque dans la foulée. Calimero envoie un deuxième communiqué aux journaux pour dire que, vu que tout le monde est si méchant avec lui, il va vendre le club au premier offrant venu, juste comme ça, parce qu'il n'est pas content. Et tant pis pour les salariés du club, ses partenaires et tous ceux qui s'identifient à lui. Julien Fournier découvre dans la presse et en même temps que les stubistes un texte une nouvelle fois écrit à l'aide d'une balayette à sanitaires qui lui prête pourtant explicitement des intentions qu'il n'a pas, ou plus. La maladresse achevée cède ici la place à l'inélégance la plus crasse.

Soucieux de continuer sur ces excellentes bases, Fontenla change encore d'avis le lendemain tout en se défilant devant la perspective d'une assemblée générale pourtant très régulièrement convoquée. Le nouvel homme fort n'a en effet même pas encore à ce stade juridiquement pris possession de son bien, puisque Philippe Ginestet demeure président de Racing investissements et d'Euroracing, les deux sociétés holding qui permettent de manoeuvrer le club. Fontenla, ou plutôt ses représentants, jouent à l'Arlésienne, allant jusqu'à quitter leur hôtel en catastrophe au petit matin, annulant de fait un rendez-vous sans prévenir leurs interlocuteurs. Car désormais Fontenla ne fait plus que déléguer. Par ordre d'apparition Hilali, Cornelie, Isenegger et le petit nouveau Varone vont s'avancer comme ses représentants, sans jamais remédier à la cacophonie ambiante. Des représentants qui semblent par ailleurs pour certains avoir des idées bien arrêtées sur la gestion du club, domaine pourtant censé être la chasse gardée du président fraîchement nommé. Ralph Isenegger semble ainsi être le cerveau derrière le plan délirant consistant à remplacer une bonne moitié de l'effectif par des joueurs étrangers inconnus au « fort potentiel »... spéculatif. Un Isenegger qui semble également oeuvrer en coulisse pour évincer le seul acteur crédible du dossier, Julien Fournier. Les commentaires acides pleuvent dès lors régulièrement sur un homme qui n'a d'autres torts que celui d'assumer honorablement le pilotage du navire dans la tempête et d'avoir le soutien des supporters du club.

Un tableau grotesque donc. Pour résumer, « Nounours » – c'est désormais son surnom attitré sur racingstub.com en raison de sa ressemblance avec un plantigrade sous diéthylamide d'acide lysergique* – est au mieux complètement incapable de mener la barque d'un club professionnel digne de ce nom et au pire animé de très basses intentions. Dans les deux cas, il serait préférable qu'il prenne au plus vite ses cliques et ses claques pour retourner jouer au golden boy à la City ou sur les bords du Léman. Quatre actes c'est bien suffisant, la farce a assez duré.


* : Rendons à César... le surnom semble avoir été inventé par axis. La référence à la friandise préférée des rockeurs psychédéliques est l'oeuvre de pintinho