Saison 2023/2024
Racing Club de Strasbourg

Thierry Laurey, futur entraîneur du RCS

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Par kitl
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Apparue hier sur le site internet de l’ancienne Bible du Football, la rumeur faisant de Thierry Laurey le nouvel entraîneur du RC Strasbourg s’est confirmée cet après-midi. Portrait de cet ancien bon joueur des années 1990, dont la carrière de technicien a véritablement décollé au Gazélec d’Ajaccio.

Avant de plonger dans le vif du sujet, livrons nous à une petite rétrospective quant au passé de joueur professionnel des derniers entraîneurs du Racing. Avec 348 matchs de première division, Thierry Laurey évolue dans les mêmes sphères que Laurent Fournier (376 matchs), mais à distance respectable d’Yvon Pouliquen (423) et René Girard (442) – pour information, Jacky Duguépéroux en a disputé 295, Antoine Kombouaré 300, Claude Le Roy 230 et Jean-Marc Furlan 274.

A l’instar de Girard et Fournier, Thierry Laurey fut un milieu défensif durant de longues saisons de D1, et il connut une récompense en étant appelé en Equipe de France. Nous sommes en mars 1989 : Michel Platini vient d’être bombardé à la tête d’une équipe dans le creux de la vague, qui venait toucher le fond à Chypre fin octobre.
C’est une période d’essais : comme son partenaire à Sochaux Franck Silvestre, comme ses anciens acolytes montpelliérains Laurent Blanc et Christian Perez, Laurey est appelé à débuter avec les Bleus. Sous une pluie continuelle, à Hampden Park, la France s’incline en Ecosse (2-0, doublé de Mo Johnston) et dit adieu au Mondiale 90. Associé au milieu à Blanc, Sauzée et Durand, Thierry Laurey vit là son unique sélection.

Natif de l’Aube, Thierry Laurey intègre une section sports-études dans un établissement troyen. Nous sommes à la fin des années 1970 et la section professionnelle du Troyes Aube Football (le bien nommé TAF) vient de disparaître. Pas encore majeur, Laurey rejoint alors un club du département, l’USM Romilly, qui évolue en D3. Ce jeune milieu de terrain défensif, pouvant évoluer en défense centrale, est finalement repéré par l’US Valenciennes-Anzin en 1982 : le club nordiste vient de descendre en D2, il s’attend à des saisons difficiles et choisit de miser sur la formation.

Comme attendu, avec des finances exsangues et les difficultés économiques dans la région, VA n’a d’autre choix que de se séparer de l’élément le plus prometteur à chaque intersaison : Cyriaque Didaux rejoint Rouen en 1983, Périlleux signe à Lille en 1984, Jean-Pierre Papin file à Bruges en 1985. Laurey, après quatre saisons pleines en deuxième division, est le prochain sur la liste. Interviewé par la Voix du Nord en 2013, il confie ne garder que du positif de son séjour dans le Nord : « Ce n’était pas rose comme période. Mais on était bien encadrés par les Tihy, Pesin, Lubanski. Et pour moi, c’est un excellent souvenir. Défenseur axial titulaire à dix-huit ans et demi, c’était formidable ».

En 1986, l’Olympique de Marseille est le plus offrant. Le trio Tapie-Hidalgo-Banide construit une équipe mêlant stars (Alain Giresse, Förster, Sliskovic) et jeunes espoirs tricolores, comme Franck Passi, Papin et Laurey. Cette saison de D1 sera un corps-à-corps magnifique avec les Girondins de Bordeaux, se prolongeant même en finale de Coupe de France, les deux fois en faveur des Girondins. Régulièrement titulaire, Laurey dispute 27 matchs pour un but ; il est aligné au Parc des Princes en finale mais cède sa place à Genghini à la mi-temps.

La légendaire impatience de Bernard Tapie conduit Hidalgo à revoir l’effectif. Thierry Laurey est expédié en prêt à Montpellier. Tapie n’imagine pas un instant renforcer un club susceptible de rivaliser avec l’OM, auquel il offre même Patrick Cubaynes. Las, Montpellier termine troisième de D1 en 1987-88 et l’OM seulement sixième. Dans un rôle plus avancé, Laurey crève l’écran avec dix buts dont un doublé à l’avant-dernière journée contre… Marseille !

Certainement rancunier, le boss marseillais refuse de céder le numéro 8 à la Paillade, qui l’aurait volontiers conservé. Bernard Tapie préfère s’en servir comme monnaie d’échange, dans le cadre du transfert de Franck Sauzée. Les deux joueurs ont en effet à peu près le même profil : polyvalence entre le poste de libéro ou de milieu relayeur, grosse frappe de balle, marge de progression. Laurey rejoint donc à nouveau un club promu, lequel réalisera à nouveau une formidable saison pour son retour en D1.
Ayant rejoint une formation sochalienne « euphorique », il n’en reste pas moins rancunier à l’égard de l’OM (« Certains dirigeants ou managers n’ont aucun scrupule. Le cynisme est roi dans le football professionnel. A l’OM, on s’est foutu de moi. », propos rapportés par Eugène Saccomano dans son livre Une saison de football 1989). Aux côtés de Philippe Lucas, Stéphane Paille, Rousset, Silvestre, des deux Yougos Hadzibegic et Bazdarevic, Laurey réalise deux grandes saisons – deux quatrièmes places –, qui le conduisent, on l’a vu, en sélection et en Coupe d’Europe.

Le rôle-clé de Laurey dans le dispositif de Sylvester Takac attire l’attention du PSG, qui vient d’installer un duo référencé à sa tête, composé d’Henri Michel et de Gérard Banide, qui l’a connu à Marseille. Mais la greffe ne prend pas, ni pour les techniciens, ni pour le milieu de terrain, qui ne dispute que 8 matchs avant de filer à Saint-Etienne, où il retrouve son pote valenciennois Dominique Corroyer.

Avec 6 clubs en autant de saisons (autant de mouvements qui n’ont « pas été de ma propre volonté »), Thierry Laurey éprouve le besoin de se poser. Il retourne à Montpellier en 1991, remplaçant numériquement Laurent Blanc. Au cours des années 1990, il se fixe en charnière centrale, aux côtés de Michel Der Zakarian. Montpellier joue alors le haut de tableau, s’appuyant d’abord sur quelques valeurs sûres – Fabrice Divert, Jacek Ziober, Kader Ferhaoui – puis sur une génération prometteuse composée de Carotti, Rouvière, Rizzetto, Bonnissel, Lefèvre, Sanchez, Alicarte… laissant penser que l’ex-Paillade allait tout fracasser en fin de décennie. Mais le bilan restera maigre, en dehors d’une finale de Coupe de France en 1994, perdue contre Auxerre.

Thierry Laurey continue son bonhomme de chemin, jusqu’à ce qu’une blessure survenue à Lille en février 1996 ne ralentisse sévèrement sa fin de carrière. De retour en fin d’année, il continue avec Baills et Sauzée à encadrer une équipe qui n’aura pas confirmé ses promesses. Il dispute son dernier match pro en avril 1998, avant d’enchaîner directement avec des responsabilités dans la formation, comme son acolyte Der Zak d’ailleurs. Laurey a en effet passé ses premiers diplômes d’entraîneur au cours de sa carrière. Il occupera plusieurs postes au sein du centre de formation montpelliérain : entraîneur des -16 ans, -18 ans, de la réserve, directeur du centre de formation, avant d’être appelé par Jean-François Domergue, comme adjoint de l’équipe première, à l’été 2004 en L2.

Pailladins de cœur, Laurey et son éternel compère seront pourtant laissés libres à la fin de leur contrat en 2006, ce qui n’empêche pas de voir son nom souvent circuler lorsque le banc du MHSC est à pourvoir : « Il faut savoir qu'à Montpellier, si Michel (Der Zakarian) et moi, on est partis, c'est parce que le club ne nous a pas gardés. C'est la vie d'un club, mais à l'époque, on était trois à pouvoir prendre l'équipe première. Les dirigeants n'ont pas voulu nous faire confiance. Maintenant, si Montpellier me rappelle un jour, je serai content, bien sûr. » (sofoot.com, janvier 2016). Il conservera de ses années montpelliéraines une profonde admiration pour Jean-Louis Gasset, éternel adjoint de Laurent Blanc.

Laurey n’ira pas loin pour ses premiers pas d’entraîneur : il rejoint Sète en National pour une sixième place en 2007-2008. Ce résultat honorable lui permet de signer à Amiens en Ligue 2. Au cours de cette saison amiénoise, l’ancien milieu de terrain côtoie Fabien Mercadal, adversaire du Racing ce vendredi, dont il fait son adjoint. Interrogé sur sa fonction en cours de saison, il confie : « Je gère le staff mais aussi les joueurs. Il faut que le numéro un soit à la fois écouté et respecté. Il est important que tout soit dit, soit débattu. Il faut que les choses soient claires et que tout le monde dans le staff soit sur la même longueur d’ondes. Je ne prends jamais de décision seul. C’est important d’avoir un staff sur lequel on puisse s’appuyer ».

Plus loin, il porte un regard lucide sur le métier d’entraîneur : « J’ai connu le chômage durant un an. Je n’ai pas envie de laisser ma place et j’ai ramé pour arriver là où je suis. Cela fait 25 ans que je suis dans le football et 25 ans que je suis content de venir au stade. Entraîneur, c’est être jugé chaque semaine. Nous travaillons toute la semaine et passons un examen le vendredi » (site officiel de l’ASC, mars 2009).

La carrière d’entraîneur de Thierry Laurey semble lancée. Mais cette saison 2008-2009 sera aussi cruelle pour Amiens que pour le RCS à l’autre extrémité du classement. Jamais relégables sauf une fois en début de saison, les Picards sont envoyés en National lors de la dernière journée, ce fameux 29 mai 2009, battus par…Boulogne-sur-Mer !

Ludovic Batelli revient s’assoir sur le banc et Laurey entame une sorte de traversée du désert. Il s’occupe en encadrant des stages UNFP, sillonne l’Europe durant quelques mois comme « superviseur pour le recrutement de l’équipe première » pour le compte de l’ASSE en 2011, avant de répondre à l’appel d’Arles-Avignon en novembre 2011. Ce club à l’ascension incontrôlée se bat pour sa survie en L2. Laurey décroche un premier maintien mais se fait limoger un an plus tard. Il laisse Arles 19ème puis retrouve un poste trois mois plus tard au Gazélec, à son tour 19ème du classement. Les Corses sont relégués en National en 2013, à l’issue d’une saison éprouvante.

La carrière d’entraîneur de Thierry Laurey est alors mal embouchée : à une relégation avec Amiens s’en ajoute une nouvelle avec le Gaz – même si la situation était désespérée. Pourtant Laurey transformera ce club sulfureux (plusieurs casseroles avec des joueurs adverses ou des arbitres) voire ridicule lors de sa première saison en Ligue 2, en une équipe difficile à manier, flirtant avec les limites de la combativité mais finalement tellement représentative du National. Il fait confiance aux anciens du centre de formation du Racing Tristan Do et Cyriaque Rivieyran.

La saison suivante, rebelote avec une équipe faite de bric et de broc, le GFC fait la course dans le haut de tableau et finit par décrocher une nouvelle montée. Rodéric Filippi, les grognards Bréchet, Pujol et Ducourtioux n’ont pas fait rêver grand monde, mais ils ont su devancer Dijon ou Nancy. Après Istres, Arles-Avignon ou Boulogne-sur-Mer, la Ligue 1 accueille un nouveau promu surprise.

Avec ses moyens riquiqui, son stade jouxtant un hypermarché et ses galériens passés du National à l’élite, le Gazélec Ajaccio attire la curiosité puis rapidement quelques moqueries. Comme pour l’autre promu troyen, le début de saison est catastrophique (10 matchs sans victoire, premier but inscrit au bout de six journées). Mais le Gaz retrouve de l’énergie à l’automne, enchaîne treize matchs sans défaite et s’invite en quarts de finale de Coupe de France. Sortis de la zone rouge, les Corses finissent par y replonger au printemps, sans jamais abdiquer.
A l’instar de son collègue Stéphane Moulin d’Angers, Thierry Laurey sera d’ailleurs honoré pour sa belle saison : tous deux figurent parmi les coachs nommés pour le titre d’entraîneur de l’année de Ligue 1 (« Humblement, je trouve que c’est bien que les entraîneurs aient tenu compte du fait qu’on n’a pas les mêmes moyens. Je suis très fier de ça. ») Rappelons que le GFC Ajaccio disposait d’un budget de 13,8 millions d’euros…

Victime d’un accident de scooter en toute fin de saison, Laurey entend s’appuyer sur son expérience du Gazélec pour pétarader ailleurs. Disposant d’un accord avec sa direction, il déclare début mai à football365.fr : « Ce que je veux, c’est trouver un projet intéressant. Je ne parle pas forcément d’argent, mais de quelque chose où on sent qu’il y a la capacité et la volonté de grandir et d’aller plus haut. Ce que je veux, c’est vivre de belles histoires tout en gagnant ma vie. J’ai 52 ans, je vais encore entraîner une dizaine d’années et je n’ai pas envie de m’ennuyer. Je veux voir des joueurs qui arrivent avec la banane à l’entraînement, je veux avoir des joueurs qui me donnent du plaisir lors des rencontres. »

Sa marque de fabrique, du moins celle qui fonctionna au Gazélec, est assez rudimentaire : « jouer en bloc et en équipe », « tout donner, à plus de 100% », tels étaient les mantras avant d’envoyer les Ajacciens au combat. Du reste, en relation avec ses moyens, son ancienne équipe faisait mieux que se défendre, au prix de quelques trouvailles : le meneur de jeu Larbi, à la pointe du milieu en losange ; le recours systématique à deux voire trois attaquants ; la confiance apportée aux vétérans comme aux débutants chez les pros.

Après la Corse, Thierry Laurey débarque dans un autre territoire à l’identité affirmée. Homme du Grand Est, il a, au cours de ses 35 ans dans le monde du foot, déjà fait preuve d’une appréciable capacité d’adaptation pour ne pas renoncer face aux résurgences du microcosme alsacien qui ne manqueront pas de se manifester.

kitl

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