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Racing Club de Strasbourg

Portrait lacté : « Qu'il crève dans le yaourt

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Par fuchsi
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Quand les certitudes du business moderne cohabitent avec les valeurs irrationnelles du football dans l'esprit de l'un des plus grands PDG français, cela donne Franck Riboud alias Monsieur Danone.

Ne vous inquiétez pas, il sera bien question d'argent mais pas de Qatar. La désormais renommée invective de Christophe Alévêque ne doit sa présence qu'à l'unique volonté malicieuse d'achalander une clientèle potentielle. Une bonne entrée en matière allégée donc pour découvrir la success story d'un businessman pas tout à fait comme les autres.


Au nom du père


Né le 7 décembre 1955 à Lyon, fils de Antoine Riboud, PDG de BSN, Franck obtient un baccalauréat C en 1975. Cinq ans plus tard, il est diplômé en Génie Mécanique de l'Ecole polytechnique fédérale de Lausanne, à ne pas confondre avec la prestigieuse institution de Palaiseau.

Mais le véritable tournant de sa carrière professionnelle se déroule à l'orée de l'année 1996, lorsqu'il succède à son père et prend la tête de l'empire BSN devenu entre-temps l'actuel Danone.

Pourtant à ses débuts, Franck Riboud ne semble pas du tout prédestiné à de telles responsabilités. Un travail d'autant plus difficile à assumer que lui-même n'a rien du candidat idéal. Son CV, son diplôme, son début de carrière comme champion européen de planche à voile et sa passion immodérée pour le foot et le ski, ne le destinent pas à la plus haute fonction.

Cela ne empêchera pas le jeune cadre lyonnais de monter progressivement les échelons en exerçant des responsabilités de contrôle de gestion, de marketing et de vente au sein du groupe, de directeur des ventes chez Heudebert et enfin de directeur général de la société des Eaux Minérales d'Evian.

Son entretien d'embauche de PDG, début 1996, avec Gianni Agnelli, patriarche de la maison Fiat et deuxième actionnaire du groupe à l'époque, a tout l'air d'une plaisanterie. C'est sur une question footballistique que Franck brille : « Faut-il que j'achète Zidane ou Dugarry ? » interroge le dirigeant italien. « Je lui ai répondu : Zidane j'en suis sûr, mais pour Dugarry, je ne sais pas. »

Michel David-Weill, patron de la banque Lazard et premier actionnaire, face au « pari Franck », opte finalement pour une « période d'essai ».

Dès lors, Franck Riboud prend très au sérieux son job de successeur du père, quitte à effectuer des sacrifices et bousculer les habitudes. Ainsi, et sans égards pour son père, Franck vend à tour de bras les affaires amassées des années durant. Des pépites ultrarentables, comme Kronenbourg, ou des bijoux de famille, comme La Pie qui chante. « C'était dur à gérer, c'est sûr, admet-il. Même si mon père disait à l'extérieur que c'était très bien, il affirmait en privé que je cassais tout. »

Les résultats de la société lui donneront toutefois amplement raison par la suite.

Grincements de dents et réussite insolente


Sa réussite, le Lyonnais l'a doit également à ses talents de communicant. Chez les Riboud, le sens du spectacle aussi est solidement enraciné. Michel-Edouard Leclerc, dirigeant des centres éponymes, en est convaincu : « Franck est digne d'être sociétaire de la Comédie-Française et maîtrise tous les registres de l 'art dramatique, de Laurence Olivier à Christian Clavier ! »

Mais derrière la bonhomie du dirigeant et le discours social inculqué par son père - « la force d'une entreprise ce n'est pas son organisation ni ses procédures, si nécessaires soient-elles, ce sont les hommes et les femmes qui la constituent » - le froid gestionnaire n'hésite pas à faire les choix les plus épineux dès lors qu'il les estime profitables pour le groupe.

La fibre sociale semble même enterrée quand, en 2001, éclate « l'affaire LU », avec l'annonce prématurée d'un vaste plan de licenciements dans les biscuiteries du groupe. Rose-Marie Van Lerberghe dernière DRH d'Antoine, l'affirme : « Pour Franck, l'emploi n'était pas le problème de l'entreprise mais celui des pouvoirs publics. »

La presse s'enflamme sur le sujet. Lui, l'héritier du vénérable Antoine, ose les « licenciements boursiers » ? Un scandale. Les syndicats portent plainte et certains politiques appellent au boycott des produits Danone. Jean-René Buisson, son DRH, se remémore : « Nous avons vraiment flippé. Au point de nous demander si l'entreprise allait survivre ! »

Pis, un groupuscule de terroristes basques menace d'envahir la maison de Franck Riboud, et le déclare persona non grata au Pays basque. Pour celui qui tient son espace privé pour une forteresse imprenable, c'en est trop. Il panique et se terre durant deux mois avant d'accepter, enfin, une interview pour s'expliquer.

L'incident laissé sur le bord de la route, le PDG poursuit son travail de restructuration et décide de recentrer le groupe sur quatre grands métiers : l'eau, les produits laitiers frais, la nutrition infantile et la nutrition médicale. Avec l'arrivé des activités de Numico et la cession des biscuits LU en 2007, il parachève la stratégie orientée sur l'alimentation santé.

Si bien que le « pari Riboux » est aujourd'hui à la tête d'un mastodonte pesant près de 15 milliards d'euros de chiffre d'affaires et regroupant plus de 80 000 salariés de par le monde.

La réussite semble totale pour l'ambitieux entrepreneur qui en a également profité pour faire son nid dans des activités parallèles. Pour vous donner un ordre d'idée du poids et de l'influence du personnage, il occupe actuellement pêle-mêle les fonctions de président directeur général et président du comité exécutif de Danone, d'administrateur de l'ANIA (Association Nationale des Industries Agroalimentaires), Bagley Latinoamérica SA, Lacoste SA, Accor, Renault Rolex, de président du Comité pour la Transalpine (lobby en faveur de la liaison ferroviaire Lyon-Turin) ou encore de membre des conseils d'administrations de HEC et de l'EPFL.

L'aspect financier n'est bien entendu pas en reste. En 2008, Franck Riboud a touché pas moins 7.205.028 € et 5.857.220 € pour le compte de l'année 2009, ce qui en fait l'un des patrons les mieux payés de France.

Pas de quoi effrayer l'homme d'affaire à la répartie toujours affûtée face ses détracteurs. « Je suis le patron le mieux payé du CAC 40, et alors ? D'abord, c'est faux. Ensuite, je n'ai jamais rien demandé à mon comité de rémunération. »
Ou encore « Qu'on me compare avec les footballeurs dont les revenus sont composés largement de primes ne me gêne pas: ils sont payés pour ce qu'ils apportent. »



Le sport dans la peau


Le compliment vaut ce qu'il vaut mais Bixente Lizarazu ne tarit pas d'éloges au sujet du PDG. « Il aime vraiment les sportifs, contrairement aux politiques qui viennent en général pour les grands matchs mais ont cette arrogance... »

Et le moins que l'on puisse dire est que l'amoureux fou de sport est un véritable touche à tout. Ex-mono de planche et de ski, grand amateur de golf (Danone avait d'ailleurs mis quelques billes pour sauver le tournoi de golf féminin d'Évian), père d'un fiston un temps néo-pro à Châteauroux, le PDG avoue sans réserves adorer le sport et ses ambiances : « le rugby au Pays Basque », « le ski dans les Alpes » (comme en témoigne notamment son engagement en faveur de la candidature d'Annecy pour les JO de 2018) et, bien entendu, le football.

Le Lyonnais de naissance reconnaît notamment admirer le travail réalisé par Jean-Michel Aulas à Lyon. Mais résidant à Paris, son coeur se perd davantage du côté du Parc des Princes. Ancien administrateur du club jusqu'à l'arrivée de Laurent Perpère et de Vivendi, abonné en tribune C rouge l'année dernière au Parc, le plan de placement aléatoire de Robin Leproux l'aura peut-être recasé entre deux ex-Boulogne Boys ventripotents. Quoi qu'il en soit, l'engouement demeure présent: « Mon seul souhait, en tant que supporter du PSG, c'est d'avoir une très grande équipe à Paris ».

Grand admirateur de Zidane, il est également à l'initiative de la Danone Nations Cup, événement créée en 2000 et parrainé par l'international français qui rassemble les équipes nationales de Benjamins de 32 pays, l'intégralité des recettes de la compétition étant reversée à l'association ELA.

Vous l'aurez donc compris, les yeux sont braqués sur Lyon, le coeur est Paris mais la porte-monnaie est quand à lui dorénavant du côté de la Savoie.


Evian-Thonon-Gaillard : Quand M. Danone décide de mettre les petits pots dans les grands


Le soleil n'a pas toujours brillé au dessus du lac Léman. En 2005, avec une dette de 300 000 euros, le club est menacé de relégation administrative en CFA 2. C'est le moment que choisit Franck Riboud, suite aux sollicitations de Pascal Dupraz, pour venir chasser les nuages d'un avenir qui s'annonçait bien orageux et assainir les finances du club.

En dépit d'un court passage en CFA, le club retrouve économiquement une seconde jeunesse grâce à Danone. Doté d'un budget d'environ 4,2 millions d'euros, l'ETGFC est un des poids lourds de la troisième division française, avec notamment un tour de table des actionnaires impressionnant : Zinédine Zidane, Bixente Lizarazu, Christophe Chenut, Richard Tumbach, Sébastien Bazin, etc. Même si les sommes engagées sont pour le moment faibles (une dizaine de milliers d'euros chacun), l'idée n'est pas d'en rester là.

En 2008, Riboud désormais président d'honneur, place à la tête du club un ami, fin connaisseur du monde du ballon rond, Patrick Trottignon. Il devient dès lors la courroie de transmission entre Franck Riboud et l'ETGFC. L'ambition du patron de Danone est claire : valider le ticket pour la Ligue 2. Objectif obtenu haut la main à la fin de la saison.

Plusieurs anciens pensionnaires de Ligue 1 et de Ligue 2 sont recrutés afin de constituer l'ossature de l'équipe. Tous ont été séduits par le personnage Franck Riboud. Stéphane Paille, entraîneur du moment, parle d'une « lumière », mais aussi d'un homme à l'humour pince-sans-rire qui sait faire preuve de simplicité. Nicolas Goussé souligne, lui, que Riboud aurait pu soutenir d'autres clubs, plus grands, mais qu'il a choisi ce club pour son attachement à la région.

D'ailleurs, le Lyonnais refuse que l'on attache à son club l'image d'un « club people », il préfère de son propre aveu bâtir sur l'humilité et le collectif. Le recrutement de l'inter-saison et notamment de l'ancien capitaine strasbourgeois Guillaume Lacour semble en effet abonder dans ce sens.

Le discours semble également accordé aux actes: Sa plus grande joie ? « Gagner la Gambardella ». Le PDG se complait à jouer les modestes: « Je n'y connais rien, je suis juste un Jiminy Cricket, j'amène mes idées quand on me le demande. » Des idées et des apports. Danone abonderait le budget, estimé à 10 millions d'euros, d'au moins 2 millions. Un budget qui n'a toutefois rien de dispendieux pour la Ligue 2.

Car Danone ou pas, c'est pas tout à fait full credit, explique le golden boy du produit frais: « On ne veut pas se retrouver avec un trou dans la caisse, le sport rend parfois fou, il faut rester humble, on met un certain pourcentage, on s'en tient là. Et si je suis viré demain, et que Danone arrête, le club doit survivre... »

A l'image de son parcours personnel, le président d'honneur du club est conscient de la nécessité de respecter les étapes. Il avait ainsi fixé comme premier objectif en début de saison, de structurer et stabiliser le club en L2. « Dans le coin, les gens n'ont pas forcément besoin de L1 pour rêver ».

Mais à nouveau, comme tout ce que touche Franck Riboud semble se transformer instantanément en or, le club savoyard truset les premières places depuis le début de saison au point de pouvoir rêver Ligue 1 et demeure toujours en course en Coupe de France.




Sources et références:


Alice Mérieux, « Réconcilié », Challenges (4 mars 2010)
Odile Bayol, Josette Beyriere, Nathalie Mailharro, Arnauld de Poncheville, « 30 ans de passion », Groupe Danone (mai 1996)
Pierre Nigay, « L'Evian-Thonon-Gaillard, un club bien né aux grandes ambitions », Le Monde ( 3 novembre 2009)
Stéfan L'Hermitte, « Evian TG, ça coule de source... », L'Equipe Mag (15 janvier 2010)
Marie Nicot et Olivier Jay, « Les vérités de Franck Riboud », Le Journal du Dimanche (12 février 2010)

fuchsi

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