Saison 2023/2024
Racing Club de Strasbourg

Lettre à Pascal Johansen

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© Karim Chergui

« As-tu changé ? », telle est la substance de la lettre que je lui adresse ce jour...

Strasbourg, le 8 novembre 2012

Cher Pascal,

J'ai bien noté le rendez-vous du 10 novembre au stade de l'Ill, où j'irai pour la première fois. Je viendrai en train (bleu) pour voir mon équipe préférée malgré la pluie attendue et ton équipe qui va nous faire chier jusqu'au bout. Je le sais, ça va être dur de te revoir après plusieurs années sans nouvelles, d'autant plus que tu es dans le clan d'en face, tu joues pour Dreyfus, l'ami de Jafar Hilali, dans une ville qui sent le soufre et qui souffre de son passé industriel. La ville de Jean-Marie (Nunde-)Bockel qui a tellement changé de veste qu'il a fait la fortune d'Emmaüs.

Je sais que ton frangin jouait à Mulhouse, même une tribune porte son nom maintenant. Ca fera bientôt vingt ans qu'il est parti vers d'autres cieux après un accident de voiture. Nul ne sait ce qu'il serait devenu dans le football. Il n'a pas pu partir au Racing comme toi, son nom est définitivement resté collé au FC Mulhouse qui finalement, n'a jamais plus rien fait après. Tu as longtemps été « Pascal le petit frère ». Il aurait 40 ans ton frère ; samedi il te regardera peut-être de là-haut.

Toi, on le sait, tu as succombé à toutes les dérives du football. Tu incarnes un peu la folie du football, celle qui touche beaucoup de jeunes joueurs talentueux. Tu commences à 20 ans sur un terrain de ligue 1 et après tu prends la grosse tête. Tu as débuté en Division 1 en janvier 2000 sous les regards conjoints de Claude Le Roy et Joël Muller ; disons que c'était déjà mauvais signe d'avoir d'aussi moches fées du berceau. Mais ta vitesse et ta combativité font des ravages sur les terrains. Dans un article sur toi, Conan, qui n'est pourtant pas connu pour sa sensiblerie, dit de toi : « il impressionna par son culot lors de son premier match professionnel, un derby chaud et tendu face au FC Metz dans une Meinau frigorifiée et brumeuse et fut unanimement désigné comme homme du match. »

On se dit alors qu'on aura de nouveau un grand joueur alsacien, ce qui est devenu rare depuis les années 80. Le petit Colmarien qui passe au Racing, le Haut-Rhinois qui réussit à la capitale alsacienne, c'est peut-être toi ! En plus, tu n'as que 22 ans quand tu marques contre les grands de Lyon et de Nantes dans l'épopée de la Coupe de France de 2001.

Je pense que tu ne t'es pas rendu compte que tu étais enfermé dans ta position de footballeur professionnel. Tu gagnes beaucoup d'argent oui, tu es adulé par les foules et reconnu dans la rue, certes, mais tu connais aussi les échecs et les prises de bec avec les supporters qui t'en veulent de ne pas être régulier ou de ne pas mouiller le maillot. Ca, tu ne l'acceptes pas. Tu avais du talent pourtant mais sans le travail tu commences déjà à stagner. Tu fais les boîtes de nuit pour oublier.

En Division 2, tu peines sportivement et tu enchaînes les cartons jaunes puis, devant l'insistance d'Alain Perrin et de Marseille, tu succombes aux charmes de la Canebière. Ils pensent faire un bon coup et pas cher, en achetant un petit Français en Division 2. Tu aurais dû être plus attentif, ils ont déjà fait le coup avec Luccin, Dalmat... enfin, tu n'étais quand même pas aussi bon qu'eux. Pas assez pour trouver grâce aux yeux de José Anigo, qui te blackliste.

La suite tient plutôt du réflexe de survie... il faut se relancer quelque part et quoi de plus sécurisant que la Meinau ? Alors tel un saumon qui remonte la rivière, tel un boomerang au parc de l'Orangerie, la balle au bout du jokari de notre enfance : tu reviens au Racing.

Des fois, on s'est demandé si tu le faisais exprès pour nous emmerder. Exprès de nous emmerder, et exprès de refuser les transferts qui se présentaient à toi pour rester au Racing... tu es comme un trentenaire qui ne veut pas quitter le domicile parental... Ailleurs ça te fait peur, tu t'es déjà perdu à Marseille... et tu ne tentes surtout pas l'étranger. Sais-tu que d'autres (les mêmes Luccin et Dalmat, mais aussi beaucoup d'autres) ont fait le pas et ont pu continuer leur carrière ?

Tu te rappelles quand tes entraîneurs parlaient à la presse de toi et de ton comportement ? En gros, tu étais toujours bien vu quand ils venaient d'arriver. Tu faisais des efforts pour plaire, mais ensuite tu leur posais des soucis avec ton caractère de cochon. Tu partais au milieu des entraînements en prétextant une blessure... tu as même refusé d'être remplaçant pour un match crucial pour le maintien. Forcément, tu étais toujours sanctionné et blâmé dans les médias. Pendant ce temps-là, le Racing était frappé par la gangrène, il faudrait bientôt couper...

Tu n'as pas fait grand-chose pour que le Racing reste un bon club professionnel. Mais tu n'y es peut-être pour rien. Beaucoup d'autres jeunes espoirs ont sombré comme toi, et n'ont plus rien fait de leur carrière. Certains arrivent quand même à survivre à haut niveau mais ont fait un travail sur eux-même et ont gagné en maturité. Tu es longtemps resté « Starlette Johansen ».

Une fois que le club s'était débarrassé de toi, tu as choisi le pire : aller au FC Metz ! l'ennemi héréditaire... Tu n'y es pour rien mais ils sont mal au point eux aussi. Et après ça, Grenoble ! Qui a déposé le bilan et qui est reparti au même stade que le Racing. Tu as eu du pif ! Faire le Racing, Metz, Grenoble et Mulhouse, ce n'est vraiment pas la certitude de finir en Ligue 1 ! Ou alors est-ce plutôt Yvon Pouliquen t'a toujours soutenu, au Racing, à Metz et à Grenoble. Le seul qui a pu te supporter et peut-être t'apprécier à ta juste valeur.

Après quelques mois de chômage, tu viens à Mulhouse, là où ça avait commencé en quelque sorte. Choix très respectable finalement... après avoir examiné ta carrière. Peut-être le meilleur choix que tu aies fait. Tu es trentenaire maintenant, tu as fait le tour de la question. Tu sembles apaisé, serein. Tu marques et tu fais marquer, comme tu l'as montré à Chasselay, là où le RCS s'est planté récemment. Le foot pro, ce n'est peut-être plus pour toi. Tu jouais peut-être pour un autre avant ; maintenant tu joues pour toi ; ou peut-être est-ce l'inverse. Tu joues pour Fred. Je ne sais pas si tu as vraiment changé, le terrain le montrera peut-être samedi. Ne nous déçois pas encore une fois, sur le terrain et en dehors.

Pour finir, une épitaphe qui te correspond bien :
« il était tour à tour qualifié de "joueur talentueux", d' "élément indispensable", de "travailleur de l'ombre", "infatigable", "de génie" ; ou au contraire de "plaie", de "râleur", de "fouteur de merde", ou encore de "mercenaire" »

Salutations sportives.

PS : copie à Yacine Abdessadki

mediasoc

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